Et, pour commencer, quelques mots sur ce pouvoir pastoral.
On a souvent dit que le christianisme avait donné naissance à un code d'éthique fondamentalement différent de celui du monde antique. Mais on insiste en général moins sur le fait que le christianisme a proposé et étendu à tout le monde antique des nouvelles relations de pouvoir.
Le christianisme est la seule religion à s'être organisée en Église. Et en tant qu'Église le christianisme postule en théorie que certains individus sont aptes, de par leur qualité religieuse, à en servir d'autres, non pas en tant que princes, magistrats, prophètes, devins, bienfaiteurs ou éducateurs, mais en tant que pasteurs. Ce mot, toutefois, désigne une forme de pouvoir bien particulière.
1) C'est une forme de pouvoir dont l'objectif final est d'assurer le salut des individus dans l'autre monde.
2) Le pouvoir pastoral n'est pas simplement une forme de pouvoir qui ordonne; il doit aussi être prêt à se sacrifier pour la vie et le salut du troupeau. En cela, il se distingue donc du pouvoir souverain qui exige un sacrifice de la part de ses sujets afin de sauver le trône.
3) C'est une forme de pouvoir qui ne se soucie pas seulement de l'ensemble de la communauté, mais de chaque individu particulier, pendant toute sa vie.
4) Enfin, cette forme de pouvoir ne peut s'exercer sans connaître ce qui se passe dans la tête des gens, sans explorer leurs âmes, sans les forcer à révéler leurs secrets les plus intimes. Elle implique une connaissance de la conscience et une aptitude à la diriger.