Par exemple, le mot « impliquer », fréquent dans l’écriture marxiste, n’y a pas le sens neutre du dictionnaire ; il fait toujours allusion à un procès historique précis.
La Littérature est comme le phosphore : elle brille le plus au moment où elle tente de mourir.
Vers 1850, il commence à se poser à la Littérature un problème de justification : l’écriture va se chercher des alibis ; et précisément parce qu’une ombre de doute commence à se lever sur son usage, toute une classe d’écrivains soucieux d’assumer à fond la responsabilité de la tradition va substituer à la valeur-usage de l’écriture, une valeur-travail. L’écriture sera sauvée non pas en vertu de sa destination, mais grâce au travail qu’elle aura coûté. Alors commence à s’élaborer une imagerie de l’écrivain-artisan qui s’enferme dans un lieu légendaire, comme un ouvrier en chambre.
Peut-être y a-t-il dans cette sage écriture des révolutionnaires, le sentiment d’une impuissance à créer dès maintenant une écriture.
Cette parole transparente, inaugurée par L’Étranger de Camus, accomplit un style de l’absence qui est presque une absence idéale du style.
Mais il faut convenir que de tous les moyens de description (puisque jusqu’à présent la Littérature s’est surtout voulue cela).
On trouve ici les trois degrés de la comparaison : plus, autant, moins ; mais comme la maxime sert surtout un projet de dénonciation, ce sont évidemment les comparatifs critiques qui l’emportent.
Tristement libéré de toute obligation envers un vœu qu’il est décidément incapable d’accomplir, il accepte de rentrer dans la frivolité du monde et de se rendre à une matinée de la duchesse de Guermantes.
Le Temps, qui lui a rendu l’écriture, risque au même moment de la lui retirer : vivra-t-il assez pour écrire son œuvre ? Oui, s’il consent à se retirer du monde, à perdre sa vie mondaine pour sauver sa vie d’écrivain.
Proust s’enferme parce qu’il a beaucoup à dire et qu’il est pressé par la mort, Flaubert parce qu’il a infiniment à corriger ; l’un et l’autre enfermés, Proust ajoute sans fin (ses fameuses « paperolles »), Flaubert retire, rature, revient sans cesse à zéro, recommence.
Ecrire c’est vivre (« Un livre a toujours été pour moi, dit Flaubert, une manière spéciale de vivre36 »), l’écriture est la fin même de l’œuvre, non sa publication.
La phrase est un objet, en elle une finitude fascine, analogue à celle qui règle la maturation métrique du vers, mais en même temps, par le mécanisme même de l’expansion, toute phrase est insaturable, on ne dispose d’aucune raison structurelle de l’arrêter ici plutôt que là.
Parce que la phrase est libre, l’écrivain est condamné non à chercher la meilleure phrase, mais à assumer toute phrase : aucun dieu, fût-ce celui de l’art, ne peut la fonder à sa place.
Un coup de dés est explicitement fondé sur l’infinie possibilité de l’expansion phrastique, dont la liberté, si lourde à Flaubert, devient pour Mallarmé le sens même – vide – du livre à venir.