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lundi 8 octobre 2012

Baudrillard, 'Amérique'


Notes sur Baudrillard, Amérique.


Miracle italien : celui de la scène. Miracle américain : celui de l'obscène. p.13

Pourquoi les gens vivent-ils à New York ? Aucune raison humaine d'être là, mais la seule extase de la promiscuité. Univers auto-attractif sans raison d'en sortir. p.21

L'Europe n'a jamais été un continent. Aux USA on sent la présence d'un continent entier, l'espace y est la pensée même. p.22
En Europe la rue ne vit que par accès, dans des moments historiques. Personne ne traine, ne vit dans les rues européennes. Comme dans les voitures européennes, trop petites pour y vivre. La ville européenne n'a pas d'espace, sinon un 'espace public'. La rue américaine n'a pas de moments historiques, elle est toujours mouvementée, vitale, cinétique. Mais il y a une virulence du changement. p.23.

Au coeur de la riches et de la libération : what are we doing after thé org y. Que faire quand tout est disponible.

L'intelligence de la société américaine réside tout entière dans une anthropologie des moeurs automobiles - plus instructives que les idées politiques.

L'exil et l'émigration ont cristallisé cette utopie matérielle du mode de vie, de la réussite, de la loi morale. La révolution en Europe a marqué par l'Histoire, l'Etat et l'Idéologie.
Deux types de crises : la notre c'est celle d'idéaux historiques en proie à leur réalisation impossible. L'américaine, c'est l'utopie réalisée confrontée à sa durée et à sa permanence. p.76

Nous ne pourrons comprendre l'absence de culture des américains. Comme le Tiers-monde ne pourra intégrer les valeurs démocratiques (et du progrès). Tout comme il échappe aux américains notre vision historique du monde.

Nous vivons dans la négativité et la contradiction, eux vivent dans le paradoxe. Humour pragmatique et paradoxal des américains, et subtilité de l'esprit critique français.

Chaque ethnie développe une culture compétitive aux USA. Une liberté de fait qui s'exprime dans la rivalité. La culture européenne a parié sur l'universel, et est en danger de périr par l'universel. Une culture une fois centralisée a du mal à créer des sous-ensembles viables, aussi bien qu'à s'intégrer à un super ensemble. p.82 

Le principe de l'utopie réalisée explique l'absence et l'inutilité de la métaphysique et de l'imaginaire de la vie américaine. Le réel n'est pas lié à l'impossible, aucun échec ne remet le remettre en cause.
Reprocher aux américains de ne pas savoir analyser et conceptualiser est un faux procès. C'est l'européen qui ne peut s'empêcher d'imaginer que tout culmine dans la transcendance, dans le concept. (le matérialisme est un concept en Europe, et un mode de vie aux USA). p.83

La banalité américaine sera toujours mille fois plus intéressante que la française. La banalité française est née du rejet de la quotidienneté bourgeoise, un maniérisme petit bourgeois qui s'est rétrécit depuis le XIXe siècle. Aux USA, désinvolture, indifférence aux valeurs qui touche à l'immortalité.

Rejet européen de la statistique, vu comme l'échec de l'individuel. Les américains vivent la statistique comme stimulation optimiste, la quantité s'exalte sans remords.
Les américains ne prétendent pas à l'intelligence, ne se sentent pas menacés par celle des autres. Leur mouvement naturel est d'approuver, voir de confirmer une analyse par des faits empiriques (qui enlève toute valeur 'conceptuelle'). L'européen approuve pour contester par la suite.


Absence de préjugé, pourquoi pas liée à une absence de jugement - meilleure que la lourdeur et la prétention française. Une serveuse américaine sert en toute liberté, sans préjugés. Les choses ne sont pas égales, elle ne prétend pas à l'égalité, l'égalité est acquise dans les moeurs.
Le garçon de café sartrien aliéné à sa représentation. Intellectualité malheureuse de son comportement. On se réfugie de la métaphore théâtrale de mimer l'égalité et la liberté.
Oubli naturel des statuts, aisance et liberté des relations. Elle paraît banale ou vulgaire. Et notre affectation est ridicule. p.91

On circule beaucoup sur les plages américaines, les français ont leur fief. Les américains n'ont pas de grâce aristocratique, mais ils ont l'aisance de l'espace, de ceux qui ont toujours eu de l'espace. L'aisance corporelle que donne la disposition de l'espace compense la faiblesse des caractères. Vulgaire mais easy.
Nous sommes une culture de la promiscuité. Nous sommes libres en esprit, mais eux sont libres de leurs geste.
Rien du label vacances tel qu'il a été inventé chez nous par le Front populaire : cette atmosphère démoralisante du temps libre arraché à l'Etat, consommé avec le sentiment plébéien et le souci théâtral du loisir bien gagné. La liberté américaine est spatiale et mobile.
La liberté et l'égalité comme l'aisance et la grâce n'existent que données d'avance. L'égalité est au départ et non à la fin. C'est la différence entre démocratie et égalitarisme. L'égalitarisme la suppose à la fin. p.92

"Democracy demands that all of its citizen begin the race even. Egalitarianism insist that they all finish even." p.92

Libéré n'est pas l'homme dans sa réalité idéale, dans sa vérité intérieure ou dans sa transparence - libéré est l'homme qu inchangé d'espace, qui circule, qui change de sexe, de vêtements, de moeurs selon la mode et non selon la morale. Qui change d'opinion selon les modèles d'opinion et non selon sa conscience. C'est la libération pratique. Les gens des pays totalitaires rêvent de ça : la mode, les modèles, les idoles, lieu des images, pouvoir circuler pour circuler, la publicité, le déchaînement publicitaire. L'orgie. Orgie de l'indifférence, de la déconnexion (OU DE LA CONNEXION PERSONNALISÉE ?) de la circulation.
L'Amérique a réussi cette révolution là, l'Europe a raté ses révolutions historiques, abstraites. Nous absorbons cette liberté pratique dans un mélange de fascination et de ressentiment. Nous traînons en Europe dans le culte de la différence, nous sommes donc handicapés par rapport à al modernité radicale, qui repose sur l'indifférence. Rien ne nous pousse à l'innovation extravagante, pour y trouver une liberté fantastique. p.95

Pas de culture de la culture. Beaubourg est impensable aux USA par l'absence de centralisation, et l'absence d'une culture cultivée. Culture anthropologique, dans l'invention des moeurs et du mode de vie. Les rues de New York sont plus intéressantes que les musées. Les biens culturels américains n'ont pas été "pomponné aux couleurs de al distinction culturelle". p.98
La culture, c'est l'espace, la vitesse, le cinéma, la technologie.
En Amérique le cinéma est vrai parce que c'est tout l'espace, tout le mode de vie qui sont cinématographiques. Cette coupure, cette abstraction que nous déplorons n'existe pas : la vie est cinéma. p.98

Si toutes nos valeurs, la culture, les musées, l'érotisme, la sociabilité… c'est qu'elles n'ont plus d'importance. Oui la Californie est le miroir de notre décadence, mais elle n'est pas décadente du tout, elle est d'une vitalité hyperréelle.

Pas de charme, pas de séduction. La séduction est ailleurs, en Italie. Ici pas de séduction mais une fascination absolue, celle de la disparition de toute forme critique et esthétique de la vie. Disparition du décor, mais des gestes et des corps et du langage. Habitus de l'européen : le pathos, la dramatisation de la parole, feintes du langage, charme esthétique, rhétorique de la séduction, du goût, du charme, de la contradiction, par l'artifice. Notre univers n'est pas désertique mais théâtral. Toujours ambigu. p.120