Un narrateur qui a oublié son passé (Rue des boutiques obscures), ou sinon ses personnages sont toujours dans le flou concernant des événements de leur vie, dans Villa Triste, le narrateur ne donne pas d’indication sur son passé, ni son futur ; il fait le récit d’une période, avec deux personnages. Dans Livret de famille, les souvenirs sont éparpillés sur des années, jusqu’au dernier, où le narrateur se retrouve dans l’appartement de son enfance et reconstitue pour la première fois un souvenir complet. Enfin dans Café de la jeunesse perdue, les narrateurs se succèdent et tous les récits (quatre) composent l’histoire de la disparition d’une fille qui fréquentait un café. L’intérêt de ce roman-ci tient à la composition et à la façon dont les souvenirs de chacun des quatre personnages composent une histoire qui tient debout.
Indéniable maîtrise formelle — toujours le souvenir de la guerre hante les narrateurs, la disparition des parents, le rôle louche du père disparu, les activités louches elles-aussi pendant la guerre, obsession aussi des non-français, des faux papiers, des voyages aux Amériques, de la noblesse Russe, des apatrides entre l’Egypte et l’Amérique du Sud.
Un travail de nomo-logie très sophistiqué sur les noms des personnages, des lieux ; on voit qu’il s’amuse parfois à dresser des listes des noms, d’adresses, de lieux dits… Pas tellement porté sur les dates, d’ailleurs. C’est vraiment un travail sur les sonorités des noms propres.