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mardi 28 juin 2011

Tisseron sur la psychanalyse des images

Ces notes sont prises du livre Comment Hitchcock m'a guéri ? de Serge Tisseron :


Nous avons du mal à accepter l'idée d'une relation de dépendance totale à quelqu'un. C'est pourquoi nous sommes réticent à céder à une relation totale. Nous craignons de nous y dissoudre.
Or, c'est là que les images interviennent. Avec elles pas d'inquiétude, nous savons qu'elles n'en abuseront pas et nous resterons toujours maître du jeu. Nous pouvons nous y abandonner.

Les images sont nos mères adoptées que nous prenons et abandonnons aussi souvent que nous le désirons, sans culpabilité ni honte. C'est toujours de leur faute.

De la même manière que le bébé construit certains fonctions psychiques essentielles dans la relation avec sa mère, l'adulte continue à le faire dans ses relations aux images.

Celui qui entre en pensée dans une image entre en réalité dans celle qu'il porte à l'intérieur de lui. Il est alors dans l'image qu'il contient lui-même, un peu comme le nouveau-né se rêve contenu dans le corps maternel dont il est pourtant sorti, de telle façon qu'il se rêve à l'intérieur d'un corps imaginé par lui.

Nous inventons des images pour renouer avec le moment où, encore tout nouveau-né, il s'immergeait dedans en croyant à elles comme à une réalité.

Comment comprendre la facilité avec laquelle le poste de télévision a remplacé, dans nos foyers, le traditionnel feu de cheminée familial ? Les gens ne restent pas fixés devant leur écran pour devenir chaque jour plus bêtes, et rien n'a jamais prouvé qu'ils le deviennent de cette façon. Ils le font pour renforcer en eux la capacité de soutien psychique qui s'est trouvée précocement associée à cette situation.
Devant les images, nous renouons avec le fil d'une situation familière, celle d'être confortablement installé sur les genoux d'un adulte protecteur. Je me sens plus fort.

En fait les images permettent à l'être huumain de se confronter à des situations traumatiques par images interposées. Les images sont comme des pare-excitations.
Contre les psychanalystes qui craignent que l'imaginaire des enfants confrontés à des images ne finisse par se réduire à celles-ci. Cette prédiction est démentie par les faits. Même si, bien entendu, certains personnalités fragilesdécident de se guider sur des images.

Dans la vie, l'adulte doit prendre les objets et les situations comme elles se présentent... il se console donc avec les images qu'il manie comme il le désire. Les images se présentent toujours à lui comme il le désire, puisqu'il choisit sur mesure pour cela !


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Les images comme sources d'éveils (pages 148-150).
Le théâtre de Beckett témoigne de ce danger du manque de "recharge" du système psychique. Les personnages y sont immobiles comme si leur corps n'était plus investi d'une énergie suffisante pour se mouvoir, leurs propos sont répétitifs et tout y semble figé. Chez le bébé, cette fonction de "recharge psychique" (demande de nouveauté) est assuré par l'environnement, naturellement très riche à la naissance. Les sources d'excitation sont intériorisées, l'adulte peut soutenir sa curiosité et son activité même dans un univers peu stimulant.

L'entourage ne cesse pas pour autant d'être important. L'adulte a besoin lui aussi, dans des proportions variables, d'excitations externes pour rester éveillé. Les images jouent ici un rôle fondamental. En regarder fait partie de ce système de recharge... même si elles ont un contenu informatif pauvre. La télévision des "émotions fortes" (et peu informatives) comme la télé-réalité propose de quoi se "recharger" à bas prix.
La clé du succès de la télé-réalité, ce n'est pas l'exhibitionnisme comme le pense les gens, mais l'intensité des émotions ; qui satisfont la demande d'éveil des individus. Aux parades, défilés, carnavals à succédé la télé-réalité.
Pour les joueurs de jeux vidéos, l'accrochage aux images est leur manière de tenter d'entretenir un niveau d'excitation suffisant pour se sentir en vie.

Ceux d'entre nous qui ont bénéficié d'un environnement premier adéquat à leurs attentes vivent en général en paix avec les images et dénoncent celles qui ne font que jouer sur les émotions aux dépens des contenus. Mais ceux qui ont pâti d'un défaut de stimulation s'en nourrissent volontiers, tandis que ceux qui ont connu un excès précoce d'excitation s'en excitent.
[Bref, nous pouvons décrire le rôle de l'éducation par rapport aux images : une bonne éducation, c'est assurer de bonnes stimulations aux enfants, pour qu''une fois adulte, ces mêmes enfants ne se contentent pas d'émotions à bas prix, d'émotions vulgaire etc. Un adulte bien éduqué bénéficie d'une base solide d'émotions et de "capacité pour s'auto-recharger en émotions" sans céder à l'excitation pure - au dépend du contenu artistique, intellectuel etc.]


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Dans l'addiction, ce n'est jamais le produit qui compte, c'est bien plus la relation qu'un sujet établit avec lui. Il n'y a dans les addictions, que des cas particuliers.

Un enfant qui a connu la situation protectrice (reposer sur l'adulte protecteur) face au poste de télévision, va se sentir "bien" devant la télévision une fois adulte... peu importe le programme télévisuel en question. L'important sera que la lucarne soit allumée, que la télévision remémore la protection parentale. C'est le corps-à-corps avec l'adulte qu'on recherche (qu'on peut rechercher).

L'ordinateur, c'est l'activité gratifiante. Sur l'ordinateur, nous agissons directement avec les images, comme le bébé interagit directement avec la mère (et les images qu'elle offre, les objets qu'elle propose etc.) L'ordinateur peut être abandonné à tout moment, sans rancune lorsqu'on renouera contact avec lui.
Les jeux en réseaux, c'est l'activité narcissique. Ils assurent une gratification narcissique permanente par les pairs : les joueurs se félicitent entre eux après une étape importante dans le jeu vidéo.

Conclusion. Les images ont été inventé pour reproduire avec elles les diverses formes de relations fondatrices qu'il a d'abord entretenues avec sa mère. Ce ne sont pas les images qu'il faut craindre, mais les attentes irréalistes que certains sujets mettent en elles, ou l'usage manipulatoire.
Nous avons crée les images pour soutenir nos fonctions psychiques, ce désir s'est accompagné dès le début de l'inquiétude qu'elles s'y substituent.

Un des dangers de l'image serait d'en fabriquer qui correspondent à une seule fonction. Si une image prétend ne répondre qu'à un seul objectif, elle risque d'appauvrir le fonctionnement psychique.