Archives

vendredi 11 décembre 2015

Notes on 'Cool' by Steven Quartz

Behavioral norms, such as dinner table etiquette, are costly because they require investment in social knowledge. Rituals and cultural performances are costly because they require time to perform or consume.

David Foster Wallace declared irony the ethos and problem of his age in 1993

Rather than compete for the same resources, the species diversified—not purposefully, but through mutation. Darwin would call this process of divergence adaptive radiation.

Fromm argued that people escape the responsibility and uncertainty of freedom by submitting to authoritarian rule, thereby conforming to and imposing that order on others (reminiscent of social dominance orientation). By the 1950s, more and more social critics began to sign on to the idea that mass society created a deficient personality type.

According to Lindner, the defining quality of the psychopath was his inability to delay gratification, acting impulsively and instinctually.

The money is our brain’s way of signaling our interest in a social relationship with them. The fact that it does so even when there’s no prospect of a relationship (because the game is played anonymously) is an important clue that social selection has shaped social reflexes that require no conscious deliberation or explicit strategizing.

Other experiments have involved norm violations such as riding an elevator facing the back wall, standing too close to strangers, or trying to negotiate bus fares.

The emergence of cool stemmed from an oppositional stance that rejected this dominant hierarchical social structure instead of emulating those on its upper rungs. Indeed, the architects of rebel cool, such as Norman Mailer and Jack Kerouac, inverted the dominant social hierarchy, rejecting the values of those at its top and appropriating the values of those at its bottom.

The rise of cool consumerism was a rebellion against three strands of the Status Dilemma: hierarchical social structure, the psychological motive of status emulation, and the conception of status as having one dimension (specifically, wealth).

the ever-present hoodie that Zuckerberg wore while on his IPO tour raised the issue of whether he was too unconventional, and the episode became known as Hoodiegate.

Many of the founding Beats met as students at Columbia University. Allen Ginsberg went there with plans to become a lawyer. William Burroughs had gone to Harvard and enjoyed a trust fund from his wealthy family.

As Stewart Brand, a central figure in this revolution, wrote in 1995, “The real legacy of the sixties generation is the computer revolution.” Inspired by the technophile visions of Buckminster Fuller, the media visions of Marshall McLuhan, and 1960s counterculture ideas, a key segment of that generation would embrace what they saw as technology’s liberating potential and shape it with countercultural ideas.

Jack Weinberg’s remark during the 1960s Berkeley Free Speech Movement, “Don’t trust anyone over thirty,” succinctly captured the sentiment that rebel cool was for the young.

dimanche 6 décembre 2015

Chronique VIII

Le concept de “Sénégalais à Paris” pousse à relativiser nos attitudes. J'imagine deux scènes en parallèles, l'une où des intellectuels parisiens sont à l'aise dans un café place de la Sorbonne et l'autre où, ces mêmes jeunes gens ne comprennent rien aux mœurs américaines. Les plus dominants tombent si vite dans l'exotisme dès qu'ils franchissent certaines frontières. La tension dramatique d'hommes se changeant, malgré eux at first, puis consciemment. Passer d'un habitus à l'autre – toujours avec violence. L'exotisme des Sénégalais à Paris, des parisiens à San Francisco, éclate par avance. Démarche, habits, énergie de groupe. Les parisiens – grâce à la province et aux provinciaux – comprennent rapidement à quelle sauce ils vont être mangé. Car ils sont eux-mêmes bourreaux dans leur pays. Il n'y a pas de snobisme envers les parisiens dans la vallée, au contraire. Seulement un doute persistant. “J'ai des VCs de Dakar dans mon board, ils sont habitués” dit le Sénégalais à Paris. Les parisiens (californiens) ne savent pas placer le Sénégal (la France) sur une carte, ni Dakar (Paris).

Chris Dixon once said, “What the smartest people do on the weekend is what everyone else will do during the week in ten years.”

Vu “Paper Towns” : Dans les ‘teenage movies’ le héros est accompagné de deux acolytes. Or on voudrait voir une scène où les deux acolytes, sans le héros, existent sans lui à l'écran. Ramener les clowns rouges au centre d'une séquence. Pour les voir exister. La force de “Superbad” est de donner aux personnages secondaires une consistance (et des séquences dédiées).

The Counterlife. Roman de Philip Roth où se pose la question de la vie privée des proches (un frère, ici) de l'écrivain Zuckerman. Desplechin aime ce roman car, tout postmoderne qu'il est, Roth renoue avec le thème de la gestion de l'inspiration / la créativité pour un artiste d'après la vie de ses proches. Voir aussi Hannah and her sisters qui évoque le sujet lorsqu'une des sœurs écrit un script à propos d'Hannah. Et aussi, bien sûr, l'ouverture de Deconstructing Harry — référence directe à Roth.

Pendant un roman, un sous-thème : une forme de vie semble avoir été découverte mais il faut une cinquantaine d'années pour s'en assurer, au moyen de vaisseaux spatiaux construits pour l'occasion. Sur deux générations, l'humanité assiste à la construction de machines, aux débats d'ordre théologiques d'abord, puis métaphysiques et enfin scientifiques. Ces grands travaux, les plus grands que l'humanité ait entrepris alors, doivent relativiser l'importance de l'espèce terrestre dans l'univers. (Le même plot fonctionne à court terme, il faut réduire la période à plusieurs mois seulement.)

Art de Y. Reza. L'un soudain doute du second, qui le sait,  sans que le troisième ne sache rien. Ce n'est pas l'art contemporain, l'enjeu, c'est l'acculturation.

Desplechin :
Les péplums sont fabriqués pour les enfants, or, lui, enfant, il voyait des adultes se disputer autour d'un film que lui seul croyait comprendre.
“L'effet de sens qui se produit [en regardant Daredevil], c'est intéressant.”
Becker est un auteur, Autan-Lara est un faiseur. Auteur, c'est le refus de l'effet de signature. Autan-Lara a beaucoup de style. C'est bien l'ennui. Il faut défendre Hawks contre Ford. Acte politique (mauvaise foi etc.) pour défendre Hitchcock, en tant qu'enfant, contre le monde des adultes.
Le cinéma résout le problème de l'élitisme (qu'on trouve dans la poésie : qui a accès à la puissance d'un poème de Beckett, sans connaître le contexte de l'écriture ?). Le cinéma est un art de foire, originellement, donc il n'y a pas d'élitisme. On n'est pas écrasé devant un film, par le savoir qu'il faut avoir pour comprendre.
“J'ai la mémoire des choses qui m'ont inventées”
Roth à la fin de Counterlife : Je ne suis qu'une troupe de théâtre, je pioche un peu partout me fabriquer, je n'ai pas de moi, seulement une troupe d'acteurs à disposition. Ce n'est donc pas sa vie que Roth nous raconte, mais ce que ses petits moyens, ses quelques personnages, quelques situations, lui permettent de dire.

Roth :
"La seule chose que je puisse avancer sans hésiter, c'est que moi je n'ai pas de « moi » et que je refuse de faire les frais de cette farce — car pour moi ce serait une vaste blague. M'en tient lieu tout un éventail de rôles que je peux jouer, et pas seulement le mien ; j'ai intériorisé toute une troupe, une compagnie permanente à laquelle faire appel en cas de besoin, un stock de scènes et de rôles qui forment mon répertoire. Mais je n'ai certes aucun « moi » indépendant de mes efforts — autant de postures artistiques pour en avoir un. Du reste je n'en veux pas. Je suis un théâtre et rien d'autre qu'un théâtre."

Conan :
Les femmes se trouvent toujours par viviers.
L'amour (désirer encore plus après le coït) et la féminité (l'insulte amène l'erection).
Utiliser le crédit contre ce pour quoi on l'a inventé : la vie pavillonnaire avec femme et enfants. Le crédit pour s'assurer de n'en être jamais.
Classer ses documents selon les quatre procédures de vérité.
Trop égoïste pour penser à autrui quand on crée l'œuvre. Penser à sa trajectoire personnelle en tant qu'artiste, plus qu'à la réception de son œuvre.
Quel mécanisme pour prendre des notes ? Aucun. Ne pas terminer les livres pour ne pas trop s'en inspirer.
“Je ne crois pas en Dieu. Mais je crois au Mal, c'est évident.”

These new careers — collaborating on an indie-­movie soundtrack with a musician across the Atlantic, uploading a music video to YouTube that you shot yourself on a smartphone — require a kind of entrepreneurial energy that some creators may lack. The new environment may well select for artists who are particularly adept at inventing new career paths rather than single-­mindedly focusing on their craft.

Manuel DeLanda :
"Hence, the large firms that make up the antimarket, can be seen as replicators, much as animals and plants are. And in populations of such replicators we should be able to observe the emergence of the different commercial forms, from the family firm, to the limited liability partnership to the joint stock company.”

Interventions 2, Houellebecq :
Contrairement à la musique, contrairement à la peinture, contrairement aussi au cinéma, la littérature peut ainsi absorber et digérer des quantités illimitées de dérision et d’humour.
Nous nous contentons de réunir des observations, observations humaines, et de les corréler par des lois. L'idée de réalité n'est pas scientifique, elle ne nous intéresse pas.

Lacan :
Dans le fantasme, il y a donc un sujet $ lié métaphoriquement à un désir (réel, symbolique ou
imaginaire), qui traduit un manque (privation / castration / frustration) et qui porte sur un objet a (oral / anal / scopique / vocal) selon un maillon ◇.

Cécité du héros racinien qui déforme la réalité, les sentiments d'autrui, pour ne les orienter qu'en sa défaveur. (Il aime la terre entière sauf elle etc.)

Brian Chesky (Airbnb)
I also write an email every single night to the whole company. This isn’t a tactical email but something more thought provoking. One of the things with scale is you need to continue to repeat things. Culture at scale is all about repetition — repeating over and over again the things that matter.

XP : “La modestie va bien aux grands hommes... C'est de n'être rien et d''être modeste, qui est difficile.”

Une chose comprise trop tard : “Life is all about the people you know.”

Etienne Gernelle du Point : “Un hebdomadaire qui marche ne doit pas pouvoir publier son Ours.” Et de citer Tolstoi et sa distinction entre les pouvoirs formels et réels. Et d'ajouter que les journalistes qu'on ne peut pas augmenter se voient accorder un titre plus prestigieux – d'où le joyeux bordel des tous ces 'directeurs' qui s'accumulent.

J'écris pour me parcourir. Michaux.

La pratique artistique commence toujours comme pastiche. Malraux à propos de la création artistique.

dimanche 27 septembre 2015

Chronique VII

Sur Tristan Garcia :
My hand is only something when it is the sole thing, when it is alone in the world. Where my hand is something, nothing else is something: all that which is not my hand is undifferentiated, whether it be my finger, the blue of the sky or the word ‘hand.’ And where my finger is something, my hand is not.
The exit from the 20th century instigated by Speculative Realism liberated me from the intentional constraint; my own philosophical gesture consists in liberating myself from the constraint of classification, by splitting in two the object
Garcia also hints in passing that my own ontology is not as flat as his. On this point Garcia is definitely correct. Object-oriented philosophy, at least in my version of it, has never been entirely flat. My ontology is slightly bumpy, as seen most easily from the fourfold structure of real objects, real qualities, sensual objects, and sensual qualities.
But insofar as things are not alone in their solitude, they either contain or are contained by other things.
In a manner reminiscent of Meillassoux’s “archefossil,” Garcia notes that the world existed for billions of years before representing entities appeared.
The flat world, where no thing is more important than another, supposes neither an abstraction nor a reduction, neither asceticism nor critique, neither genealogy nor deconstruction.
Namely, the thing is neither in-itself nor in-its-effects but is instead the difference between these two.

Emotion à la lecture d'un journal intime diversement composé ; lettres, notes, pages de journaux arrachées. Finalement, c'est *tout ce qui fut détruit* qui donne envie. On découvre les préoccupations, les tracas quotidiens d'hommes pas si extérieurs, pas si lointains.

“La pierre de touche du réalisme spéculatif est en effet l’outrepassement de ce que Harmann appelle la problématique de l’accès, et Meillassoux le « corrélationnisme », pour replacer directement la pensée dans les choses elles-mêmes – indépendamment de la façon dont elles sont reçues, perçues, rencontrées.”

“Contre les tenants d'un désenchantement du monde contemporain, il soutient que le sacré, la magie même, habitent toujours notre quotidien. De même que l'Église établit une frontière entre sacré et profane, le musée reconduit cette partition de l'espace.”

“— Moi je veux juste laisser une trace.
— Laisser une farce ?”

L'artiste est son propre référentiel avec l'art contemporain. On ne prend plus tant l'histoire de l'art, mais son œuvre passée, comme point de référence pour avancer.
Le ready-made (Duchamp), l'art conceptuel (Rauschenberg), la performance (Murakami) et l'installation (Yves Klein) comme les quatre références de l'art contemporain (dans les années 50 pour les trois dernière).
Ce qui compte dans l'œuvre, c'est comment on la raconte ; plus que l'objet.

“Le dos rouge” c'est un film français comme ceux qui nous ont fait rêver. Il y a des scènes dans des appartements, dans les rues, les cafés. Il ne se passe rien, mais ça à l'air de faire du mal à tout le monde.

Question: What's the biggest thing you've changed your mind about in the last year or so? What's a lie you tell yourself the most often?

Deleuze, “Cours sur la peinture”
Contre la mauvaise interprétation de Blanchot sur le mythe de la page blanche de l'écrivain. Il n'y a pas de page blanche. Avant d'écrire, la page est trop pleine, justement. Et le travail de l'écrivain n'est pas de remplir une page blanche, mais d'ôter tout ce qui ne compte pas pour se mettre à écrire. De même pour le peintre qui, lui aussi, à trop de choses en tête avant de peindre. Et doit ôter des choses de son esprit avant d'entamer une toile qui n'est pas blanche du tout lorsqu'il commence à la peindre. L'effort consiste à se restreindre, en tant que peintre, entre tout ce qu'il y aurait à peindre et la peinture finale.

Réfléchir à ce que signifie le mainstream dans le détail. D'où vient cette fascination de la norme. Et du décalage par rapport à celle ci.
L'histoire sociale  c'est le raffinement des degrés de distinctions dans le temps. Entre Bourdieu et today, beaucoup de choses changent, toutes les positions et les snobismes.
L'art aujourd'hui travaille la notion de mainstream quand il a pu s'occuper de l'esthétique et de ... Voir comment la transgression est un comportement corrélé à une norme. Donc à du mainstream.

Être à l'égale distance de tous les pôles. En esthétique. Pour un roman. C'est à dire : appeler l'ensemble des genres, écoles et tendances dans une même trame sans ne jamais céder pour aucune. L'histoire du roman est : comment faire tenir un tout disparate. Que faire de l'héritage esthétique qui est le notre.

Créer un produit, le mettre sur le marché. Pour être présent à l'esprit des gens. Il y a des gens qui pensent à ce qu'on construit, nous. Il y a du temps passé, à penser à nous. Lady Gaga occupe les esprits ; littéralement, elle vole du temps aux autres.

Les autodidactes sont de bons entrepreneurs. Car il faut savoir s'astreindre soi même au travail pour une startup. Avoir en soi des mécanismes qui incitent pousse au travail sans avoir besoin d'attendre d'être pousser par une structure, une traction ou autre.

Régis Debray, Madame H
C’est quoi l’Histoire pour vous ? » Réponse : ce qui me met les larmes aux yeux, point final
Les paysans font le paysage, les historiens ne font pas l’Histoire.
Dans ces cas-là, par peur d’être en avance, ce qui fait péquenot, on prend de la marge, quitte à faire les cent pas dans la rue pour se donner une contenance.
Comment garder la tête haute dans un monde où un dîner intéressant est celui où l’on ne parle pas de politique ?

Crise de l'image action : jusqu'à Rossellini, le personnage fait l'action ; après, le personnage a des perceptions. Dans 'Vivre sa vie' de Godard, l'héroïne écoute une chanson dans un bar, et représente ainsi la crise de l'image action car ce n'est pas le personnage qui change (qui agit) mais le personnage qui écoute (qui perçoit). La scène musicale – comme mise en crise de la comédie musicale – est alors celle où le personnage écoute une chanson. Assoir un personnage et lui faire écouter un morceau en entier (Aznavour, Jean Ferra). Le cinéma moderne fait du héros un spectateur, un auditeur. Elire le moment creux plutôt que le moment plein.

En écoutant Cynthia Fleury. Quel régime politique peut promouvoir son propre sabotage, chez ses sujets ? L'Etat de droit a pour seul impératif l'individuation de ses sujets. Or, il faudrait se demander si, de toute façon, un régime peut promouvoir autre chose que sa propre perpétuation.

samedi 15 août 2015

Chronique VI

La musique, toujours, comme moyen bon marché pour expérimenter un épisode de nostalgie profonde.

Se demander, soudain, qui autour de moi se décrirait comme heureux ?

“Il va falloir que je m'excuse, mais je ne sais pas de quoi.”

Lors des deux premières révolutions industrielles, les gains de productivité ont augmenté en partie grâce à des luttes ouvrières. Est-ce qu'il ne doit pas y avoir des luttes 'sociales' contre la vieille industrie ? De fait, on peut estimer que la croissance économique du XIXème vient autant des machines que de la nouvelle organisation sociale du travail.

La science fiction pose une questions passionnante : comment réagissent les hommes lorsqu'ils apprennent qu'il y a quelque chose de différent (supérieur) dans l'univers ?

Silicon Valley : un endroit sans gravité.

Platon : le mal n'est rien car seul le bien fait être et agir. (Le bien est plus que l'être.) Spinoza : le mal n'est rien parce que le bien non plus. (Il n'y a ni bien ni mal.)

S'entourer d'hommes suffisamment divers au point de ne plus devoir travailler. D'avoir par autrui une vie suffisamment riche. De vivre par eux suffisamment de vies professionnels afin de n'en plus ressentir le besoin ni le désir.

“Je suis un gros parigo.”

Pour l'éducation, Rousseau dit : ce n'est pas le biberon qu'il faut apporter au bébé, mais le bébé qu'il faut porter jusqu'au biberon. Et d'éviter l'esclave tyrannique. Car c'est toujours la situation qui rend l'homme mauvais. D'ailleurs, l'homme n'est pas *bon* par nature, mais dans la nature, l'homme n'est pas confronté à des situations le rendant le mauvais – il est simplement égoïste. C'est en cela que la société corrompt : car elle crée des situations où l'homme est obligé de se corrompre, d'agir ou de souhaiter du mal. Exemple de l'héritage : tous les enfants de riches souhaitent au moins une fois voir leurs parents mourir pour bénéficier de l'héritage. Rousseau dit : “renoncer a priori à l'héritage afin de ne pas être corrompu par cette situation”. (Spinoza a personnellement renoncé à l'héritage de son père.)

Deleuze sur Spinoza.
L'étonnant c'est le corps. L'éthique se distingue d'une morale. D'abord parce qu'on évite le jugement. L'Un n'est pas supérieur à l'être. Tout est plat. L'éthique est une ontologie horizontale. L'éthique, c'est l'étude de ce qui donne la santé ou rend malade – affaibli ou renforce notre “puissance”.

Bellanger à propos de Houellebecq. “Il a redonné une longueur d'avance à la littérature par rapport à la société”.

“There is nothing on Planet Koons we haven’t seen before, admittedly generally in smaller, less costly, less shiny versions.”

Un portrait des hommes trop rieurs, ces grands désespérés.

Le concept de « fatigue du négatif » fait comprendre que la modernité s’engage dans une voie aporétique lorsqu’elle appelle de ses vœux le dépassement incessant des règles. Le statut de minorité peut être volontiers employé à des fins stratégiques, quel que soit le camp politique ou intellectuel auquel on est associé. Aucun penseur n’a en effet intérêt à être dépeint comme « le reflet de son époque ».

“L’univers, cette machine à faire des dieux.” (Bergson)

La hiérarchie des valeurs. La pulsion "réactionnaire" qui se cache chez les lettrés. Le discours impossible de  l'ontologie plate. Et la naissance du goût chez tout un chacun. Bref, la distinction encore et toujours.

L'inflation des objets fut circonstancielle dans le temps. Puisque l'homme utilisait des outils pour étendre sa puissance. Bientôt, c'est le corps qu'on déformera depuis l'intérieur. Adieu aux objets.

samedi 18 juillet 2015

Chronique V

Depuis quand, au cinéma, les spectateurs comprennent-ils l'enjeu de la fiction ? Il a existé une époque où les spectateurs, trop peu habitués au cinéma, interpellaient les acteurs à l'écran pour les prévenir d'un danger, par exemple. L'avalante des making-off, depuis les années 1980, participe de l'intelligence des spectateurs, qui, désormais, connaissent le fond vert. La connaissance du "fond vert" dans le cinéma n'a peut-être pas d'équivalent dans la littérature ? Quel est l'équivalent d'un dernier plan comme celui de "Chiens errants" qui dure 15 minutes, où deux acteurs regardent hors-champs sans ne rien faire, mis à part fumer ou pleurer, vers la fin. Que signifie l'extrémisme d'un tel plan, d'une si grande exigence finalement pour les spectateurs qui sont là confrontés aux limites de la fiction ?

"Croire en" pour une transcendance. En revanche, "croire à" quelque chose d'immanent. On dit : croire en Dieu, croire en la justice. En revanche, croire au monde. Seul Deleuze dit, il faut croire en le monde, pour marquer le fait que du réel, on y croit autant qu'un autre concept transcendant, pas plus.

Pasolini. Le montage, sur le matériel d'un film, effectue la même opération que la mort sur la vie. Le montage est l'introduction de la cause dans le cinéma, comme dans le réel. Y a t-il des choses plus essentielles que "le cinéma" comme la justice ou la liberté ? Et qu'est-ce que cela veut-il bien dire ?

Angst est un signe d'authenticité, de répudiation du "on" heideggerien. Angst est ce qui rend problématique, digne de question, notre être-au-monde.

Peter Pan.
"La plupart des hommes atteints du syndrome de Peter Pan avait eu un père absent, fuyant ou dévalorisé. Dans de nombreux cas, la mère doit porter toutes les responsabilités de la famille. Or, cette mère n’aurait pas été assez forte et aurait cherché de la confiance en elle-même auprès de son enfant. L’enfant se retrouve alors dans un rôle qu’il n’est pas en mesure de remplir et ne peut se construire de manière stable. Le traumatisme sera d’autant plus violent que l’enfant est précoce intellectuellement."
"Les enfants l'intéresse car il pense pouvoir se nourrir de leur substance de vrais enfants."

Un homme, qui ne peut aimer aucune femme, disait qu'il sentait la présence de sa mère partout. Alors qu'elle était morte, il avait l'impression qu'elle était derrière la porte. Une telle mère ne peut que barrer la route de l'amour, car le fils doit lui résister. La naissance d'un bébé, la mort d'un père, peuvent tout désorganiser pou run enfant et lui faire perdre le sentiment de sécurité qu'il a d'abord connu. Alor, pour retrouver une parce, il est souvent tenté de prendre celle de ses parents.

David Foster Wallace. Both Flesh and Not: Essays:
« The best metaphor I know of for being a fiction writer is in Don DeLillo’s Mao II, where he describes a book-in-progress as a kind of hideously damaged infant that follows the writer around, forever crawling after the writer (i.e., dragging itself across the floor of restaurants where the writer’s trying to eat, appearing at the foot of the bed first thing in the morning, etc.), hideously defective, hydrocephalic and noseless and flipper-armed and incontinent and retarded and dribbling cerebrospinal fluid out of its mouth as it mewls and blurbles and cries out to the writer, wanting love, wanting the very thing its hideousness guarantees it’ll get: the writer’s complete attention. »

L'intérêt des personnages qui aiment 'de trop'. Une femme pardonne trop à son homme. Deux amis de longue date se séparent, bien plus tard l'un d'eux éprouvent toujours un sentiment love/hate très fort.

Jackie Pigeaud. La poésie du corps.
Proximité du mélancolique et du narcisse : refus de se voir soi-même, le mélancolique est sans extériorité, ne peut se séparer de lui même. Refus de poser le monde extérieur hors de soi, de le dégager de soi-même.
Le cerveau est un viscère qui produit de la pensée, comme l'estomac et les intestins opèrent la digestion. Le cerveau digère elles impressions, il faut organiquement la sécrétion de la pensée.
Une femme raconte qu'elle ne se sent bien à l'intérieur qui si l'extérieur est symétrique. Lorsqu'elle s'abime un genou, elle s'auto-mutile et écorche l'autre genou. Cf. l'analyse de Bichat sur le rapport extérieur / intérieur et le souci inné de l'homme pour la symétrie (qu'on ne trouve pas à l'intérieur de l'homme alors que celui-ci recherche cela à l'extérieur).
Il y a une modification du pouls selon les âges de la vie. Le corps construit à partir des lois de la musique. Considérer le corps animal comme une machine musicale avec ses tons, ses accord, sa résonance et son timbre particuliers. Le dieu de la musique était honoré comme le dieu de la médecine. Il y a dans la formation d'un corps, la formation à un certain rythme.

Titre : Aide à la maturation de projets innovants

Difficile de surmonter le traumatisme de la naissance.

Un angel à Paris :
Un mélange de naïveté et d'une profonde connaissance du milieu financier, des insights à avoir sur les trends contemporaines dans la tech et ailleurs. Sentir que le type bouillonne, en face, qu'il a des idées, des choses passant par la tête ; sans qu'il n'arrive à aller vite au point névralgique. Il donne ses propres définitions de termes génériques, geek / nerd, startup / unicorn et beaucoup d'autres. Analytique quant à soi-même, est-ce un manque de finesse psychologique, ou est-ce une certaine 'stupidité' qui lui fait dire des sottises avec un esprit de sérieux gênant. Il ne voit pas à qui il s'adresse ; il pose peu de questions. Je suis au spectacle devant lui, il donne des insights, des pistes ; je comprends qu'il a rencontré et est écouté avec attention par des gens autrement plus important que moi. Il me parle des gens qui le reçoivent à l'éducation nationale, de Bruxelles, de  la Défense etc. Je ne cesse de me demander quel effet peut-il bien leur donner — car j'imagine très aisément la façon dont certains le méprisent au premier abord dans la façon qu'il a d'affiché si fortement son succès, sa désinvolture insoutenable de vulgarité, à certains égards — mais il me plaît, dans son immanence, dans son coté 'roc' et affranchi de toute tutelle. L'homme devant moi est un grand solitaire, et nous devons nous serrer les coudes, entre gens de cette race-ci, pour s'attaquer aux autres, au troupeau d'hommes méchants et lâches — car ici-bas c'est la Guerre.
Millionnaire à 28 ans, il revend sa quatrième entreprise en 2008. Il commence à devenir angel dans les années 2011-12 à Paris. Ses parents travaillent dans la tech, chez IBM, de très gros postes. (Mais son père n'est pas la personnalité publique qu'on connait sous le même nom que lui.) Un peu de new-age, parfois, sur les bons ressorts pour lancer une startup (ie ne pas se lancer avec de l'analyse stratégique, il se moque des HEC, mais se lancer avec une compétence et de l'envie).
Aucun conseil sur la stratégie à mener, ou sur les bonnes pratiques d'entrepreneuriat à mener, à avoir. Seule remarque : ne pas se dévaloriser face à un investisseur. Je lui parle de la taille de notre marché, il me parle du livre comme fétichisme, de la tendance récente de la ‘raffinerie de contenu' faisant suite à l'ère de la production de contenu par la multitude. Il se compare à Colin, “il est comme moi, il catégorise et a des insights sur le long terme”. Il se décrit comme sur-efficient. Il explique qu'il est dyslexique et qu'il a du mal à lire, qu'il comprend donc très bien les problèmes de typographie. Il me dit, “j'ai commencé à lire sur mobile car je n'ai pas de rapport fétichiste au livre comme objet”. Il me parle de deux jeunes associés qu'il finance, ils ont construit une startup dans la musique, qu'il a aidé car les deux associés ont fait de la musique ensemble, puis un label, puis désiraient se lancer avec une vraie Foi en leur projet.
Il parle des fondations de la lecture, de l'information ; de la façon dont on récupère et partageons de l'information est sous-jacente à la société occidentale. Il dit “c'est déjà un bon début, de s'attaque à un problème mettant en jeu quelque chose de théologique, de sacré pour les sociétés occidentales”.

Le libéralisme comme accumulation de l'auto contrôle. Chez les primitifs la Cour imite le roi dans ses moindres gestes. Tout est extériorisé. Après le protestantisme comme norme extérieure de l'incitation à l'entreprise, l'âge des entrepreneurs où l'incitation est incorporée. Le libéralisme est l'incorporation de la Police en chacune de nous.

Canetti.
Le pouvoir s'exerce assis, debout ou allongé.

J'aime l'idée de créer une marque. Ou plutôt, de créer un 'pilier' fédérateur d'un style - au sens le plus large. De la même façon que Woody Allen ou Linklater, que Nabe ou Foster Wallace servent de pilier par rapport auxquels nous autres s'identifient. Ils drainent dans leur 'nom' un vecteur culturel, et c'est en les utilisant comme des hashtags de ralliement que l'on trouve ses frères humains. Voilà donc le but, faire se rallier certains autour de mon nom. L'artiste n'est rien d'autre qu'un créateur de lien humain.

La Dispute, Pascal Engel
Tout ce que Quine, Kripke, ou Wittgenstein disent ici n’est pas autre chose que ce que Derrida nous a appris depuis longtemps. Aucun signe linguistique ne s’interprète lui-même, parce que tous les signes sont itérables et « diffèrent » de leur sens. Il n’y a pas de présence pure du sens. Il nous échappe tout le temps. C’est la différance et la déférence du sens, qui tient à la distinction entre la parole et l’écriture.
Dès les années 50, deux conceptions majeures étaient en présence : d’un côté le behaviorisme, qui assimilait les états mentaux à des dispositions au comportement, de l’autre la « théorie de l’identité esprit-cerveau », qui les identifiait à des types d’événements neuronaux.

David Grabber
Recall here what Smith was trying to do when he wrote The Wealth of Nations. Above all, the book was an attempt to establish the newfound discipline of economics as a science. This meant that not only did economics have its own peculiar domain of study
We are born under a load of obligations of every kind, to our predecessors, to our successors, to our contemporaries. After our birth these obligations increase or accumulate before the point where we are capable of rendering anyone any service. On what human foundation, then, could one seat the idea of “rights”
Tell people they are inferior, they are unlikely to be pleased, but this surprisingly rarely leads to armed revolt. Tell people that they are potential equals who have failed, and that therefore, even what they do have they do not deserve, that it isn’t rightly theirs, and you are much more likely to inspire rage.
At one point someone asks an imaginary Priest of Positivism what he thinks of the notion of human rights. The priest scoffs at the very idea. This is nonsense, he says, an error born of individualism. Positivism understands only duties.

Foster Wallace
I don’t think. Just that TV and the commercial-art culture’s trained it to be sort of lazy and childish in its expectations. But it makes trying to engage today’s readers both imaginatively and intellectually unprecedentedly hard

Deleuze
C’est que le milieu n’est pas du tout une moyenne, c’est au contraire l’endroit où les choses prennent de la vitesse. Entre les choses ne désigne pas une relation localisable qui va de l’une à l’autre et réciproquement, mais une direction perpendiculaire, un mouvement transversal qui les emporte l’une et l’autre, ruisseau sans début ni fin
La violence, on la trouve partout, mais sous des régimes et des économies différentes. La violence de l’empereur magique : son nœud, son filet, son « coup une fois pour toutes »… La violence du
L’arbre impose le verbe « être », mais le rhizome a pour tissu la conjonction « et… et… et… ». Il y a dans cette conjonction assez de force pour secouer et déraciner le verbe être.

L'histoire d'un blogger très connu à la Maria Popova, qui reçoit des emails automatiques de consultants et publicists avec des noms génériques, ou des “dear blogger”.

Debray.
Les révolutionnaires apprennent à lire aux paysans. C'est finalement proche des missionnaires d'antan. Et finalement ils amènent la modernité capitaliste en croyant éduquer les illettrés.
Les révolutions prolétariennes ont créé des bouleversement que le Reich ou l'URSS n'ont pas su instaurer. La Commune et la décolonisation. Se rappeler que Cuba ou le Viet Nam furent libérés avant une poignée de prolétaires armés.
Le Che tente de répliquer le modèle de la révolution cubaine ailleurs, en Afrique et Bolivie. Mais les conditions ne sont pas aussi clémentes qu'à Cuba pour qu'un guérilla puisse marcher. La forestation même diffère trop.

dimanche 10 mai 2015

Chronique IV

Une généalogie de la critique inter-générationnelle : chaque chapitre, c'est un homme mûr qui critique son vieux père pour les choix qu'il a fait, pour les erreurs de sa génération ; et qui critique aussi son fils. Si bien qu'on a une histoire comme des poupées russes qui s'emboitent, d'une génération l'autre, avec à chaque fois une génération au pouvoir "critiquant" l'ancienne et la nouvelle.

David Graeber. Markets tend to be created by governments as a side effect of military operations ; against what's been said since Herbert Spencer.

Emmanuel Todd :
Lire le temps dans l'espace : le conservatisme des zones périphériques (un nouveau système part du centre pour toucher tout l'espace, seules restent des tâches à la périphérie de l'ancien système).
Démographie : La famille nucléaire est première dans l'histoire, c'est la famille souche, puis communautaire qui sont des inventions de l'histoire. L'Europe n'a pas volé au Moyen-Orient l'invention de la famille patrilinéaire-communautaire (contrairement à l'agriculture, la monnaie, la ville, l'écriture…) Il sera donc difficile pour la Chine ou autre de "nous rejoindre" dans la famille nucléaire, car leur système familial est en fait une "invention" ou tout au moins quelque chose de plus "récent" historiquement. Il y a donc un mur de résistance de ces familles-ci contre la famille nucléaire qui serait, pour eux, une sorte de "retour".
L'idée que l'individualisme, porteur d'une société libérale, va pousser les familles à redevenir importantes, à ne pas valoriser l'émancipation comme c'est le cas pour les sociétés étatistes comme la France ou le Danemark. Il faut un Etat fort pour aider les familles à se séparer tôt de ses enfants.

Pinker. Déterminer quel est l'héritage génétique de l'homme, quels sont ces comportements qui en découlent, et pour quelles raisons ces gènes et ces comportements ont été sélectionnés.

Richard Mèmeteau :
La création d'œuvre d'art, au XXème, c'est l'idée de trouver une forme qui puisse résumé l'histoire universelle, du structuralisme aux grands romans. Les cinéastes américaines de blockbusters ont une version singulière de cette compréhension, en ce qu'ils souhaitent utilisent la figure du mono-héros de Joseph Campbell, qui serait une sorte de structure séminal de l'entendement humain.  Toujours l'idée de proposer une structure pour tous les mythes, ou tous les contes etc. Star Wars définit la forme du blockbuster. Peut-on toujours centrer l'histoire autour d'un héros providentiel qui va sauver un peuple complètement passif. Le problème politique (de l'héros) dans l'idée du mono-mythe.

Darwin's great innovation in the theory of evolution was that he conceived of it not as a Lamarckian spontaneous ascent from higher to higher and from better to better, but as a phenomenon in which living beings showed ( a ) a spontaneous tend­ ency to develop in many directions, and ( b ) a tend­ ency to follow the pattern of their ancestors.

Yann Moix, citant Bataille. Le mot est là pour dire l'impossible, passer du possible à l'impossible, une traversée d'une rive à l'autre.

Bellanger, citant Latour. Le roman est le dernier lieu pour faire, avec notre société donnée contemporaine, ce que les ethnologues font des sociétés dites primitives, c'est-à-dire, relier tous les savoirs, de la forme de l'architecture à la religion et jusqu'aux manières de tables. La modernité, c'est le fait de dire que la totalisation est impossible pour les modernes, contrairement aux primitifs, or le roman est un endroit assez solide pour y faire un travail universitaire (reliant tous les savoirs, faisant parler tous les discours entre eux) digne de ce nom.

In any case, public opinion polls don't matter, elections and lobbying matter. The point is not to measure public opinion, the goal is to change it. Think about those conservatives who were reassured back in 1988 that only 11% of the American public supported gay marriage.

Naissance, de Yann Moix :
Les gens sont des vaches laitières. Ils ne peuvent pas s’empêcher de s’exprimer. De donner libre cours à leur « petite veine artistique ».
Surproduction de nature, surproduction de culture ! On n’a pas le temps de lire : alors on écrit. On gratte. Tout le monde, partout, tout le temps, et que je te griffonne !
Comme tout le monde, Ernestito aurait « fait le Brésil et la Chine » – les gens ne visitent pas les pays, ils les font –, rédigé des romans impubliés et impudiques truffés de détails et d’anecdotes sans intérêt inspirés de son existence sans vie.
Laissons la littérature faire le sale boulot à notre place. Il n’y a plus guère que les écrivains qui lisent. Et ils lisent pour pouvoir écrire à leur tour : des livres qui ne seront presque pas, des livres qui ne seront pratiquement jamais lus ! Par personne ! Des choses imprimées, en friche.
Lorsqu’on s’ennuie, camarade, tu sais ce que c’est, il faut bien inventer des fascismes ennemis.

Le Monde d'hier, de Zweig Stefan :
Aujourd’hui encore je ne sais ni rouler à bicyclette, ni conduire une voiture, et en matière de sport, un enfant de dix ans est en mesure de m’en imposer.

Darwin Among the Machines, de George B. Dyson :
Computers may never embody mind at the level of human beings, despite a resurgence of such predictions every few years. But it is differences that make symbiotic relationships work. Symbiosis implies cooperation between distinguishable organisms, often a competition between host and parasite from which fruitful coexistence evolves.
Life did not take over the globe by combat, but by networking,” observed Lynn Margulis, describing how life evolved from the exchange of information between primitive chemical microprocessors the first time around.38 Life began at least once and has been exploring its alternatives ever since.
If, then, men were not really alive after all, but were only machines of so complicated a make that it was less trouble to us to cut the difficulty and say that that kind of mechanism was 'being alive'.
It is important here to make a sharp distinction between replication and reproduction. . . . Cells can reproduce but only molecules can replicate.
Lamarckian evolution: acquired characteristics transmitted to the offspring.
A prevailing assumption is that life begins with the genesis of self-replicating organisms, programs, or machines. Self-replication is a sufficient but by no means necessary condition for the origins or propagation of life.
God, who created all things in the beginning, is himself created by all things in the end.

Kacem :
Différence entre le désir et la jouissance chez l'homme. Chez la femme, désir et jouissance sont originairement la même chose ; au sens d'un rapport graduel de l'un à l'autre. Pasolini, avec Théorème, croit que la sexualité est un vecteur d'émancipation. Puis il passe à Salo, et comprend en quoi, non, la sexualité peut être un vecteur d'asservissement "bourgeois" etc. (Etre et sexuation)
Ce que je cherche, c’est une sortie de la postmodernité à partir de la postmodernité. L’avant-garde, c’est fini depuis quarante ans. Nous devons faire avec ce que nous avons. Ce qu’on a compris, avec la fin des avant-gardes, c’est qu’on ne peut pas tirer la chasse sans cesse. On a fini extenués, sur les rotules, on ne peut pas passer son temps à faire table rase de tout. Nous sommes condamnés à répéter. Mais devons travailler à ne plus répéter comme l’a fait la postmodernité cyniquement cool, sarcastique, parodique, psychofrigide, comme je dis. A créer de nouveaux types de répétition, créateurs, novateurs.
Au début on commence à écrire pour des questions narcissiques, bien sûr, quand on est tout jeune, Michon parle très bien, avec son « cynisme gentil » à lui, de tout ça : les écrivains du dix-neuvième veulent baiser avec des duchesses, les peintres du dix-septième avec des princesses… mais un jour ce n’est plus du tout ça. Quelque chose vous tombe dessus dont vous être redevable ; c’est une responsabilité. On le ressent vraiment comme un devoir d’intérêt public. On travaille à ce qu’a pu nommer Lacoue-Labarthe après Benjamin à la tache, le courage.

Intéressant de noter que, contrairement à Kacem, je vis le fait d'être autodidacte presque par défaut-d'école. Kacem s'est formé en dehors de l'université, soit. Mais il a des maîtres, il a pris des cours, écouté parler Badiou etc. À l'inverse, puisqu'en France, le fait d'être, disons au sens large et neutre, libertarien, est synonyme d'isolement "a priori" à l'université, dans le monde des lettres (et partout ailleurs sauf peut-être dans un petit milieu entrepreneurial). Kacem est le disciple de toute une tradition de pensée bien située, archi connue et instituée (la métaphysique continentale de l'ENS-Ulm). Quant à moi, je n'ai aucun maître, ni aucune tradition intellectuelle, à laquelle me rattacher pour croître. Je ne me forme à l'ombre d'aucune chapelle. Kacem lui n'est pas autodidacte, puisqu'il hérite d'une tradition, de ses dogmes, de sa façon de penser, d'écrire, d'un corpus, d'une attitude face au fait-d'être-philosophe etc. Il s'est, irrémédiablement, formé au sein d'un collectif puissant, un des plus puissants peut-être de la scène intellectuelle de l'époque.
Je me souviens de la découverte de l'école dite autrichienne ; enfin ! me disais-je il existe un endroit où prendre une retraite bien méritée après tant de mois à découvert. Trop tôt m'est apparu la grande tartufferie de ces économistes-ci, qui, incroyablement plus brillants que leurs adversaires, pêchaient d'un trop d'entre-soi qui finit par me lasser.

Tristan Garcia sur Houellebecq :
Il a eu l’intuition idéologique de ce mouvement de Réaction – en prenant conscience dès les années 90 du fait que la France devenait une puissance économique et culturelle moyenne –, mais demeure, dans la forme, un vrai moderne. Ce n’est pas un contemporain : pas d’implosion de la langue, ni collage ni fragments ; mais ce n’est pas un réactionnaire non plus dans l’écriture : pas de style. L’époque lui inspire un haut-le-cœur, mais il ne va pas jusqu’à la vomir. Et puis il prend le point de vue de la mondialisation, quand les réactionnaires se replient sur la perspective de la nation. Si Houellebecq est aujourd’hui le dernier écrivain français à avoir du succès hors de France, c’est parce qu’il correspond à l’image figée qu’ont les étrangers de notre littérature moderne, disons de Balzac à Sartre ou Camus.
Après, il faut attendre Patrick Modiano [Les Boulevards de ceinture, 1972] et Annie Ernaux [La Place, 1984] pour retrouver de vrais raconteurs.



mercredi 22 avril 2015

Chronique III

Aurélien Bellanger :
"Il n’y a plus de célibataires mais des abonnés à Tinder, plus d’abonnés passifs mais des produits pensants, plus d’inégalités nulle part et des taxis Uber partout. Quelle que soit la situation ou le désagrément, il y aura une application pour ça. Et le marché des rapports interhumains, longtemps confisqué par les Etats et la politique, échapperait enfin à ces situations de monopole. Avant, les citoyens votaient tous les deux ou trois ans, maintenant ils expriment, pourvu que dans le cloud quelqu’un comptabilise, leurs opinions et désirs à chaque fois qu’ils lisent, qu’ils cherchent, qu’ils checkent, qu’ils swipent ou qu’ils actualisent."

Tristan Garcia :
Proche de "Confessions d'un enfant du siècle" de Musset. Une génération qui n'a pas la guerre, qui se sent trop instruite aussi, par rapport à  ses parents et grands parents. Ils ont raté l'Histoire. Mais ceux qui, dans les tranchées, vivaient pour le coup l'Histoire en marche comme, peut-être, elle ne se fera plus jamais. Ceux-là les poilus avaient le sentiment de passer à coté de biens de choses, de leur vie d'adulte 'normale'. La tranquillité de la démocratie est-elle une fin en soi.
Qu'est-ce qu'une physiologie particulière d'une espèce fait à son langage ? C'est ça qui intéresse certaines fictions qui s'attachent à décrire la façon dont les animaux parlent une langue qui leur est propre, propre à leur corps, à leur sensation, et n'imite donc pas le langage humain. (Chez Swift, les chevaux ne peuvent pas mentir, ni écrire, car leur corps leur interdit). Les animaux parlent rarement de ce que ça fait d'être un animal. L'animal qui imite l'homme qui parle, depuis son corps propre.
• L’homme a pu chercher à se saisir lui-même par le haut – par extrapolation de lui-même dans les recherches liées à l’intelligence artificielle – et par le bas, en cherchant à se retrouver dans les animaux – concomitance des projets de recherches cybernétiques.
• Sinon, ma thèse, c’est une thèse d’esthétique, autour du concept de représentation. J’essaie notamment de contester le grand lieu commun des études sur la modernité, à savoir : l’art contemporain présente des choses au lieu de les représenter. Et, je défends de façon assez optimiste l’art du XXème siècle en disant que, contrairement à ce qu’ont cru tous les intellectuels, le plus important dans l’art du XXème, ce n’était pas l’art contemporain, Warhol, Duchamp, Beuys, mais c’étaient au contraire les nouvelles formes de représentation, le plus souvent populaires, et qui viennent pour la plupart du XIXème siècle : la photographie, le cinéma, la science-fiction, le policier, la musique enregistrée, la télévision. Je suis assez méfiant envers l’art contemporain aujourd’hui, et en tous cas je pense que pour être vraiment moderne aujourd’hui, il faut arrêter d’être contemporain.

La fiction est là comme une espérance d'un langage universel, au-delà de notre langue contingente et humaine. La spécificité du langage humain et son universalité.

Schrödinger :
La mutation est un phénomène quantique dans l'évolution. Il n'y a pas d'étapes intermédiaires, puisque la mutation se fait au hasard, un cran plus loin que l'état normal. C'est pourquoi il ne peut y avoir qu'une seule mutation à la fois, pour voir si celle-ci est meilleure, il faut que ce soit "toute chose égale par ailleurs". C'est aussi pour ça que les mutation sont des événements "rares".

Hayek :
L'éthique n'est pas pour nous affaire de choix. Nous ne l'avons pas fabriquée, ni ne pouvons la remodeler. L'homme a du rompre avec les comportements affectifs bons pour la petite bande. La société abstraite repose sur des règles apprises, et non sur la poursuite en commun d'objectifs désirables que l'on perçoit. La poursuite directe de satisfactions ou d'objets perçus contre l'obéissance à des règles apprises.
Tout progrès fut accompli en transgressant des règles pour des nouvelles, non parce qu'on en comprenait la supériorité rationnellement, mais parce que les groupes adoptant ces règles réussissaient mieux.
La culture ne fut ni créée rationnellement, ni naturellement. Le cerveau de l'homme n'est pas assez intelligent pour créer une culture, ni élaborer des règles abstraites permettant d'imaginer une société complexe. Le cerveau est seulement suffisant pour "apprendre" une culture, imiter et transmettre.
Le langage, la morale, le droit et la monnaie sont le fruit d'une croissance spontanée et non d'un dessein. Le pouvoir politique organisé s'est marré du droit et de la monnaie pour les corrompre.
L'ordre abstrait procure simplement à l'individu de meilleures perspectives de réussite dans ses initiatives, mais ne lui ouvre aucune créance sur des biens particuliers.
Ce fut l'adhésion massive qui fonctionner durablement l'ordre de marché. Les innovateurs, seuls, n'auraient rien pu faire.
La revendication d'une "juste" distribution annonce le retour des émotions originelles de l'homme tribal. Car personne ne comprend le fonctionnement de la société, dont les résultats apparaissent comme immoraux.
L'expansion du capitalisme doit ses origines à l'anarchie politique, au Moyen Age comme pour les Grecs. On découvrit la liberté individuelle, et la propriété (et leur indissociabilité).
La tradition est un process de sélection guidé, non par la raison, mais par le succès.

Taddéï :
L'art, c'est un moyen de rencontrer autrui. On aime l'art car on fait l'expérience d'autrui, et plus souvent des meilleurs. J'ai réussi à me débarrasser de toutes mes opinions, pour essayer de me sortir de ma contingence, pour être plus ouvert, imprévisible.

Luchini :
Un sens aiguë de la hiérarchie culturelle, la certitude musicale d'un Céline par rapport à tout ce qu'on peut dire, penser, dans les interviews médiatiques, la bassesse du monde. Seule la bêtise insiste. Viser l'apaisement de l'anxiété, qui est ma nature. Au lieu d'être dans l'obsession de faire des films, apprendre à supporter le passage sans films, sans médias. Je n'ai pas un moi suffisamment stable pour être incarné. Je n'arrive pas à être modéré.

Je diffère avec T. C. car je ne crois pas à l'intensification de l'existence individuelle. Je suis trop dépressif pour ça. Je ne peux jouir d'être au monde. La jouissance d'être là le pur plaisir d'exister m'est étranger. Dès lors comment défendre cette forme individuelle d'émancipation ?

Ce qui m'impressionne plus que l'intellect, que les intellectuels, que la belle position sociale : Trois adolescentes rentrent dans une rame ; la grâce nonchalante, cheveux en batailles, un dandysme, une confiance en elle, normcore à souhait, l'inverse des coquettes. Il y a, chez elles, quelque chose qui m'est si lointain, si étranger par rapport au grand-écrivain, au grand-banquier. Eux tous, trop inférieurs ; j'ai déjà pour eux de la pitié. La seule admiration qu'il me reste, c'est pour la chaire ; lu trop de livres peut-être. N'étant plus impressionné par rien mais tous les jours un peu plus déçu par le hommes et leurs choses. Ce n'est pas de la légèreté, déjà adolescentes, elles sont sévères, trop belles pour être réellement triviales peut-être ?

Lagasnerie :
Le passage, au sein de la gauche, de la référence à Karl Marx à la référence à Karl Polanyi dans la critique du néolibéralisme est un basculement conservateur : on se met à penser que le problème du marché est qu'il défait des liens et non qu'il consolide un ordre de classes et d'exploitation.

Ce moment dans la vie où l'on découvre ce qu'on aime, ce qu'on aime pas. Le film, le livre, qui nous donne une opinion.

Les écrivains ne devraient avoir le droit de n'écrire un seul livre, par honnêteté.

Houellebecq :
Avant, un pépé n'était qu'un pépé. Aujourd'hui, on lui demande trop de choses, d'être viril, d'aimer sa femme, d'atteindre des objectifs, d'être l'ami de ses enfants… Le pépé d'hier, aujourd'hui, serait un vieux loser.

Guyotat :
Obsession du fonctionnement d'un cerveau d'analphabète. Un homme n'est-il homme qu'à partir où il peut lire, c'est-à-dire se défendre contre l'idéologie, l'esclave, la prostitution.

Desplechin :
[Votre plus grande peur ?] Que cesse ce bruissement populaire autour des films – commentaires, exégèses  et conversations – qui fait du cinéma un art vivant. Un art qui se joue à trois : ceux qui fabriquent les films, ceux qui les regardent et ceux qui les critiquent. J'ai peur qu'un jour, le cinéma se muséifie au point de ne plus compter, au sens où le philosophe Stanley Cavell emploie le terme « matter » : pour l'homme de la rue, la création d'un opéra ou d'un tableau ne compte pas. Mais allez dans un bistrot parisien en plein Festival de Cannes et vous entendez des gens qui ne vont jamais en salles parier sur les chances d'un film kurde en lice pour la Palme.

Ecrire des livres comme une pièce d'art contemporain. Le travail d'écrivain fut, très tôt, toujours, une réponse au cinéma, l'exploration de ce que pourrait être une lutte de l'écrit contre l'image, sachant que l'image lui sera, in fine, supérieure.

Eric Reinhardt. Fantasme pour le présent, l'incarnation de la danse en direct, du théâtre aussi devant des acteurs sur scène dans une salle. Présent pur.

Le travail pour sauver de la dépression, s'imposer l'apprentissage du grec, comme le recommande Flaubert à son amie dépressive.

Queneau différencie l'écrivain de l'amateur, dès l'envoi du manuscrit. L'amateur écrit pour se soulager, sans se rendre compte qu'il a des lecteurs, des écrivains contemporains, une tradition derrière lui. Celui qui peut devenir un écrivain comprend le travail (ce n'est pas se faire seulement plaisir), il comprend qu'écrire, être publié, c'est une communication avec les autres.

Sam Altman. On current trajectories, in 2-3 years more people will apply to YC than to Harvard. 2-3 years after that, more to YC than to Stanford.

La critique du libre-arbitre : "je peux ce que je veux". Certes, mais "peux-tu vouloir ce que tu veux ?". La liberté morale, du choix, de la volonté, dépasser donc la liberté d'action.

vendredi 10 avril 2015

Pharmacologie, roman

Quelques thèmes intéressants.
- La pharmacologie comme dosage entre le toxique, le placebo et le soin.
- La performativité des énoncés, des théories économiques sur les comportements. Et, plus généralement, tout ce qu'il y a de performatif dans le quotidien.
- Les syndromes de la dépression. La fatigue, la perte de mémoire, le mal de dos. L'aspect performatif de l'état dépressif.
- L'évolution historique du regard sur le progrès médical, sur le génie génétique.
- L'entrée de la médecine, de la biologie, dans le discours politique à venir. L'égalité des chances traitée par la biologie et non la redistribution des richesses.
- L'histoire de l'informatique, croisements avec le travail de l'homme politique, des promesses de l'Etat comme acteur de la providence sociale. La tentation planificatrice de la cybernétique.
- La technique, question centrale, concentre en partie les critiques adressées au capitalisme, et est l'instrument qui, constamment, a provoqué des ruptures dans l'histoire des humains. La haine de la technique prend deux formes : la clairière de l'être (l'idée d'emprise numérique) et l'écologie (destruction programmée de l'espèce) — plus que le désenchantement du monde qui s'avère moins évident.
- Les phénomènes de ghettoïsation, communautarisme, chasse-aux-sorcières. Le pacifisme de la classe politique qui, comme en 1940, amènera le pire.
- La mémoire, dernier vestige du singe en nous.
- Le rétro-futurisme, les erreurs d'anticipation du futur (de l'informatique, de la médecine) depuis le début du XXème siècle.

I. L'essoufflement du génie français, les invasions barbares.
L'enfance des années 90 en Seine-et-Marne. Aperçu de la vie parisienne, californienne.
L'état dépressif d'un étudiant en génétique. Rencontre avec l'énarque.
La création d'une startup, ses rites, rêves, erreurs. Pourquoi est-ce devenu si apprécié dans les années 2010 ? Rencontre avec les BTS, McKinsey, artistes, fonctionnaires.

II. Le combat politique autour du transhumanisme.
Part retrouver son amante, étudiante à Berkley.
L'intégration d'une startup qui fonctionne, en Biotech, dans la vallée, et ses chercheurs, investisseurs.
L'histoire sociale, politique, de la Silicon Valley versus NYC, versus L.A, versus Washington.

III. La SF n'a jamais lieu. (Le temps retrouvé).
Monologue du cyborg.
Critique de l'anticipation technologique. Et pourtant la technique nous déracine, dans les faits.
Visite de son ancienne amante, mariée, avec enfants. Le quotidien révélateur.
Un jeune homme veut le faire parler, le héros refuse, comme son grand-père d'autrefois. À l'époque, le héros ne comprenait pas pourquoi son grand père s'interdisait de parler, d'évoquer l'histoire du XXème siècle qu'il avait eu la chance de connaître de près. Désormais, à près de 130 ans, il comprend l'aspect insipide du passage de témoin aux plus jeunes. Il réalise à quel point cela est inutile, fatiguant. Tout comme son grand père devait le penser, avec raison. C'est aussi à cause de la faillibilité de la mémoire que son témoignage serait vain ; or il avait cru, jeune biologiste encore, pouvoir sortir l'homme de sa condition de singe, mais avait échoué. L'homme restait, en 2130, aussi esclave de sa nature, les efforts des transhumanistes, mouvement politique et moral, ne parvinrent même pas à changer ce banal rapport inter-générationel.
Le héros déambule dans une ville, une civilisation même, où rien n'a changé, ou si peu. Il relativise l'importance de la technique, notamment dans son caractère émancipateur. (La civilisation qui s'en sort, en termes de Bildung, est celle qui défend le marché, l'individualisme, peu importe l'avancement technique).


jeudi 2 avril 2015

Chronique II

Ne pas vouloir cultiver le mythe du secret. Vouloir tout dévoiler à la face du monde, ses erreurs comme ses certitudes. Eviter à tout prix l'effet "à la Lynch" dans la vie-vraie. Ne pas perdre les gens dans des dédales, vouloir toujours expliciter les choses, au risque d'en faire trop. Toujours préférer la narration à l'américaine, aux ficelles souvent visibles, mais qui, au moins, ne tente de cacher aucun mystère. Il faut être clair, ne laisser aucun soupçon sur la médiocrité de sa vie, et en attendre de même des autres parties.
N'en plus pouvoir des gens voulant cacher leurs traces et leur phallus derrière les politesses, les anecdotes trop longues. Trop souffert, sans doute, des historiettes laborieuses lors des repas familiaux où tout s'embourbe, tout prend trop de temps. Poser beaucoup de questions, reprendre la parole pour me présenter un peu plus, une autre facette, puis rapidement redonner la balle à l'autre afin de le cerner un peu plus encore. Une facette de notre subjectivité contre une autre.

Parler. Incessamment. Ne pas pouvoir s'arrêter lors des diverses soirées cette semaine. Avec S. C. d'abord, et ce devant C. C. que j'ai fait taire malgré moi. Puis, lendemain, rebelote avec A. F., silence devant la chanteuse, à la Gaité Lyrique. Puis enfin, troisième soir, au même endroit, avec E. V. et Al. F., déblatérant sur le monde des lettres. Trois fois, plaisir. Le sentiment aussi, d'avoir trop parlé, de s'être peut-être mis trop en danger. Toujours aussi des conversations intellos, ne pas pouvoir s'empêcher d'évoquer Heidegger, s'assurer une position de domination par le bulbe. Tandis qu'avec T. C., au contraire : je l'engueule lorsqu'il s'attarde trop sur le concept, le priant de s'intéresser au réel pour produire, un jour, quelque chose digne d'être lu et transmis. Non pas l'un contre l'autre, mais l'un et l'autre, ce qui demande de travailler autant du réel qu'on ne travaille un texte, avec la même concentration, le même sérieux. Thomas dit souvent qu'après A. F. et moi, il a besoin de parler avec des tempérament plus normaux, moins exigeants. J'imagine qu'A. F., de même, utilise Ar. S. et d'autres pour s'y défouler, retrouver les conversations saines des gens sains ; les sorties arrosées, les états amoureux. Les deux pylônes des jeunes gens.
Incapable de "me lâcher" — apparement proche de Tristan Garcia qui évoque ce cauchemar partagé. Car "se lâcher" c'est mourir, du moins en ai-je l'impression. Et, trop peureux, je n'ai encore trouver personne pour qui risquer ma peau au point de devoir "me lâcher" pour elle. L'écriture plus fort que la vie, ie la libido. Non pas la lecture, ni l'activité de pensée, mais l'écriture elle-même. Déjection d'une autre sorte, contenant non une âme — rien n'est sacré — mais une trace. L'écriture provoque une altération durable dans la subjectivité quand la libido soigne l'état anxieux de la chair. Et puisqu'avec l'âge l'anxiété s'amoindrie, on change de hobby.

Fonctionner comme un bulldozer, socialement. Aller trop vite, trop à l'essentiel. Imposer un rythme intense. D'où l'impression d'une excitation, car la température ne descend jamais. Emporter la conversation de plus en plus haut. Une conversation est doit ressembler à une avalanche. Utiliser tout ce qui se dit pour faire grossir la densité émotionnelle dans l'échange. Ré-utiliser beaucoup de ce qui s'est dit, d'abord pour montrer qu'on est à l'écoute, puis pour tisser un lien, pour ré-unifier l'ensemble au sein d'une durée commune. Faire comprendre qu'on tient *tout* dans sa conscience, que tout s'écrit en moi au fur et à mesure, qu'une fois dites par eux, je retiens leurs phrases, leurs expressions. Car la peur de ces conversations de bar, d'avinés, où tout se perd, où rien ne sert. Peur aussi de l'alcool mauvais qui fait oublier, qui détruit plus qu'il ne construit. Je comprends en cela A. F. et sa crainte du blabla, de la rhétorique faite par goût du Verbe, de la contradiction, du frottement des cervelles entre elles. Rappel sur ma haine du chill, du nihilisme de la conversation d'avinés qui enfile toutes les banalités, les standards du discours de notre génération sans rien *tenter* — donc sans l'espoir d'aucun swing. Ce chill donc, je le hais plus que le verbeux, qui, s'il se déconnecte d'une certaine réalité, s'il nous fait ressembler à Bouvard et Pécuchet, tout au moins nous laisse t-il l'espoir de trouver un rythme nouveau, une intonation surprenante.

La devise de Thomas, très belle, étant de toujours admirer *de trop* les gens, par précaution. De vouloir, longtemps, les mettre en valeur, leur donner l'occasion d'apparaître mieux qu'ils ne sont. Vouloir les porter par le Verbe, les pousser. Et leur permettre d'atteindre avec moi des sommets qu'auparavant ils ne pensaient pas atteindre. Rester donc, en leur mémoire, comme quelqu'un qui puisse les pousser, qui puisse leur donner une confiance en eux, un état non pas "d'être-à-l'aise", mais "de se perfectionner" dans la droite lignée d'Emerson. Egoïstement, je retire plus de plaisir à stimuler Autrui car il me donnera plus, exsangues et épuisés, ils en ressortent essorés mais heureux de s'être ainsi donné face à moi, sans doute "monstre", sans doute "insupportable" mais au moins accoucheur. Quant à ceux qui refusent l'exercice, ie (1) les donneurs de leçons, (2) les requins avares en sincérité ou (3) les déficients mentaux… Laissons-les sombrer.

Revu "The hours" car le souvenir de la scène du "you have to let me go" me hante depuis longtemps. Je fonds en larme, encore une fois, en revoyant la séquence. Lors d'une autre scène, elle répond au malade, "that's what people do, they stay alive for each other".

Begaudeau : "Qu’on se le dise, le génie n’est pas correct. Il est mal léché. C’est un même coup de rein qui l’arrache aux codes techniques, physiques, moraux. C’est la même capacité hallucinatoire qui produit Mort à Crédit et les délires antisémites de Céline. C’est le même pli qui fait inventer un passement de jambe dont les séances vidéo peineront à trouver la parade et oser une main qui échappe à la surveillance arbitrale."

lundi 30 mars 2015

L'art du roman - Kundera

La mère est son thème principal, parce que Tereza est le « prolongement de sa mère » et en souffre.

La dimension historique de l’existence humaine, il y a de l’autre côté le roman qui est l’illustration d’une situation historique, la description d’une société à un moment donné, une historiographie romancée.

Mais même si ses romans n’avaient rien de prophétique, ils ne perdraient pas de leur valeur, car ils saisissent une possibilité de l’existence (possibilité de l’homme et de son monde) et nous font ainsi voir ce que nous sommes, de quoi nous sommes capables.

Quand les valeurs, jadis si sûres, sont mises en question et s’éloignent, tête baissée, celui qui ne sait pas vivre sans elles (sans fidélité, sans famille, sans patrie, sans discipline, sans amour) se sangle dans l’universalité de son uniforme jusqu’au dernier bouton comme si cet uniforme était encore le dernier vestige de la transcendance pouvant le protéger contre le froid de l’avenir où il n’y aura plus rien à respecter

Seulement ce sens se trouve au-delà de la causalité rationnellement saisissable. Tolstoï a dû utiliser (pour la première fois dans l’histoire du roman) le monologue intérieur presque joycien pour restituer le tissu subtil des impulsions fuyantes, des sensations passagères, des réflexions fragmentaires, afin de nous faire voir le cheminement suicidaire de l’âme d’Anna.

dimanche 15 mars 2015

Chronique I

On peut voir parfois dans Paris une famille toute habillée du même jean bleu, pas slim du tout, qui s'affaisse sur des baskets plus ou moins cool. En 2015, la tenue de rigueur pour un homme est un jean bleu qui tombe sur des baskets "citadines".

Rancière :
Etre émancipé, ce n'est pas savoir choisir entre un discours et un autre, ni savoir discerné entre l'escroc et le savant. Etre émancipé, c'est être capable de faire, plus que de choisir.

Retour sur la phrase du personnage d'Amalric dans un film des Larrieux : "Cela fait un bien fou de savoir que l'on est pas un génie littéraire". Instants dépressifs lorsque je m'obstine à suivre cette voie-ci. Pour finir par me dire : finalement, il y aurait intérêt à ne rien créer, à être convaincu par avance de sa médiocrité — et ainsi à s'éviter des années douloureuses, une vie douloureuse sans doute.

Arnaud me dit de prendre en notes l'aventure. Ça pourra servir. Gros problème avec l'idée de se faire publier, encore et toujours la question du statut social d'écrivain. L'object-livre compte plus que son contenu. La jaquette dépasse en puissance de feu les idées mises à plat.

L'adhésion à ce réel m'est pénible. C'est une façade. Épuisement de mimer la tolérance qu'il faudrait avoir pour l'autre, pour l'arrogance des gagnants, pour la soumission des faibles. L'aisance des forts, de ceux de l'autre côté. Tristesse, assurance de n'y arriver jamais. Le mauvais-œil veille. Ecrire ne me porte pas à l'enthousiasme mais à la dépression. Se garder d'écrire pour ne pas poser les idées trop à plat, pour survivre. Regarder ses idées écrites, là sur une feuille. Constater qu'on ne s'en sortira pas. N'en plus pouvoir. Impossible de se relier à l'Autre, impossible d'adhérer à aucun discours. Impossible de tolérer des regards. Mais, contre coup du faible, du médiocre, de l'asocial plutôt que du génie, c'est l'impossibilité de prendre toute cette indifférence pour transformer tout ça —le fait burlesque d'être au monde— en un dandysme déflagrateur, violent, impertinent, que les autres jalouseraient alors. Impossible, tirs croisés sur la médiocrité.

Ce n'est pas la page blanche, l'angoisse. C'est l'impossibilité de faire autre chose que d'écrire. La startup apprend que certains hommes ont des compétences, que ceux-ci vont être payés pour travailler ensemble à la construction de software. Les autres, tous les autres, seront là pour amener le dit software entre les mains du maximum d'utilisateurs. Les RH, la logistique, la finance d'entreprise… Toutes ces fonctions subalternes à la création de software existent pour encadrer l'arrivée sur le marché d'un produit.
Une startup, c'est donc un agencement de forces qui touche un marché avec peu de leviers externes. La tâche du "growth hacker" résume bien cette tendance qu'ont les startups à vouloir minimiser le temps passer à amener un produit au public. Donc, les outils techniques, avec leur effet de levier, sont utilisés pour hacker ce qu'on pensait devoir toujours prendre du temps et de l'argent, le marketing.

On répète beaucoup, au NUMA, qu'il faut un aspect business. On se demande aussi ce que c'est, que d'être un "requin". Un exemple : lorsque je contacte Abibooks, j'ai par Skype un vieux bonhomme qui aime Addr et mon enthousiasme. Il me demande que je lui rédige un plan pour exécuter ce que serait un partenariat entre nous. Et j'ai du mal, par Skype, à baratiner suffisamment pour obtenir quelque chose de plus.

Il faut s'intéresser à ce qu'il y a de performatif dans tous les faits sociaux, dans tous les comportements, dans toutes les démarches, les discussions, les rapports sociaux, les choix, les goûts. Partout. Dès qu'il y a de l'être, il faut se demander "qu'est ce qu'il achève malgré lui, par le fait même de s'annoncer-là". Le fait d'être CEO est performatif. On incarne une fonction car autrui nous perçoit, c'est à dire se comporte vis à vis de nous, d'une manière qui déjà nous responsabilise.

J'éprouve une sorte de plaisir à être le témoin d'une intimité. Ou plutôt, à constater malgré moi ce qu'il y a de gênant —de contingent— dans le fait d'être-là. À être, tout d'un coup, trop proche d'autrui, pour une raison circonstancielle, si bien que j'assiste malgré nous, au déroulement d'une intimité qui m'est étrangère.

Une histoire de la startup ? Le mythe minoritaire des primo-entrepreneurs qui réussissent semble moins intéressant que l'aspect laborieux, et finalement pathétique, du destin des milliers de gamins lancés à l'aventure, sans aucun outils, avec en tête des bribes de connaissances, des compétences inexistantes…
C'est l'histoire des individus bercés par une mythologie qui les dépasse qui est intéressant dans la naissance de la startup comme mouvement de mode pour la génération Z.

Régis Debray évoque dans "Un Candide à sa fenêtre" que le rêve communiste du grand soir a berné une génération entière. Et qu'aujourd'hui, alors que les vieux rêves des années 70 semblent plus fossilisés que jamais dans une époque lointaine, devenus quasiment incompréhensible pour la jeune génération, c'est l'internet et le software qui bousculent l'ordre social. Reste à déterminer en quoi les effets de la révolution dite "numérique" se rapportent aux vieux rêves des marxistes d'antan.

Quelques personnages importants de l'univers des startups. (Montrer l'épaisseur *historique*, i.e qui étaient ils avant, quels pouvoir ont-ils gagné, et sur qui, au cours des dernières décennies etc.)
- Les différents échelons parmi les investisseurs. Les historiques (Sequoia), ceux de l'ère Google (Run Conway), puis les post-2000' comme a16z, jusqu'aux plus récents comme BetaWorks ou d'autres. Comment, à chaque époque depuis les premiers investisseurs pour Apple, les levées de fonds ont elles aider les startups et les fondateurs.
- Les business angels. Peter Thiel etc.
- La naissance des incubateurs post-YC en Californie et leur développement dans tout le pays.
- L'Etat et le discours autour du numérique, des startups.
- Les banques
Il faut montrer la façon dont les différents moyen d'accompagner les startups sont rentrés en compétition, comment ils se sont affrontés. Comment les banques sont devenues les dernières à rentrer, au moment de l'IPO. Comment les incubateurs ont court-circuité l'écosystème en sélectionnant des startups avant qu'elles n'aient trouvé un product/market fit (et ont rendu l'équipe primordiale).
Mettre en évidence, aussi, l'antagonisme entre les différents créateurs de startups et de PME. Créer un restaurant, une agence, une application mobile de photos. Tout cela est très différent, et ne recoupe ni les mêmes aspirations, ni les mêmes vies. Les personnages, très tôt, savent vers quoi ils tendent. La *croissance rapide* des startups a un impact déterminant sur la façon dont les fondateurs pensent leur rôle, leur rêve.

Les préoccupations d'une startup. L'idée, l'écriture du code, la bêta-version, l'itération "lean", le business model, la niche, la release publique, la presse, le go to market, la viralité, la levée de fonds, le recrutement, la scalabilité technique… Entre temps, il faut maintenir une constante préoccupation autour de l'équipe, du fait que les rôles sont distribués. Faire du non-scalable.

La partie non-tech d'une startup. Envoyer des emails à la presse. Postuler à différents programmes. Rencontrer des investisseurs, des responsables d'aides publiques. Passer trop de temps sur chaque chose, pour combler un peu plus la journée. Avant un go-to-market précis, c'est à dire avant d'avoir trouver le non-scalable, comment s'occuper ? La startup B2C n'a pas de contrats à signer, juste une vitalité à développer, des clients à faire revenir. Décalage entre l'état du produit et ce qu'on vend. Il y a un temps de rédaction non-négligeable dans une startup, plus long qu'on ne le dit jamais. Faire une veille active sur ce qui se fait. Relancer des journalistes. Chercher des emails. Réfléchir à la façon dont présenter le produit, la vision. Le produit doit donc être entièrement focalisé sur la résolution d'un problème. Il faut donc orienter la fabrication du produit vers l'usage précis de la cible. On ne change pas de cible avec le même produit. Il faut donc recommencer le produit, amener des features différentes pour chaque cible, étant donné qu'on ne cherche à résoudre qu'un seul problème très précis.

Réfléchir à la base politique d'Uber, qui, interdit à Paris, continue d'exister grâce au rapport avec sa base client. La startup évolue donc sur un champs politique, c'est à dire sur le plan de la volonté collective, de la force sociale.

Etre fasciné par la vie des hommes non créateurs. Les épargnés. Ceux qui ne souffrent pas de leur propre incapacité. Ceux qui ne connaissent la souffrance d'être-là sans rien faire. Ce pour qui ils est possible de profiter de quoi que ce soit, sans qu'en arrière-pensée, très présente !, ne tambourine en eux leur médiocrité séminale. Partout, toujours, la même haine de soi, d'être-là sans créer, sans laisser une trace indélébile sur Terre. Ne pouvoir profiter de rien, toujours le remords, la mauvaise conscience d'être-là, de ne pas en faire assez, d'être minable. D'être déjà mort. L'angoisse de passer à côté d'une vie. Mauvaise conscience, mauvais sort. Toujours être dans une pause, toujours mimer le fait de profiter d'un instant. La durée, comme Bergson en parle d'un présent-en-acte, me torture. Ce n'est pas en fuyant qu'on change sa composition première, son aveuglement quant à soi, quant à la contingence d'être dans un monde-qui-tourne, qui m'échappe, que je me hais de ne pouvoir arrêter, contrôler, orienter selon mon bon goût.

Un personnage unique, absolument moderne. Danah Boyd, ethnographe chez Microsoft : My 2.5-year ethnographic study of American teens’ engagement with social network sites and the ways in which their participation supported and complicated three practices – self-presentation, peer sociality, and negotiating adult society.
D'un autre côté, son pendant "homme politique", Romain Pigenel, qui parle à tout va de modernisation de l'Etat sur Twitter. Faire la liste, aussi, de tous les concours, meetings, conférences, aides etc. pour venir en aide aux entrepreneurs débutants. Les lobbies pour l'enseignement du code, de l'informatique à l'école. Ne comprennent-ils pas que l'internet, par essence, n'est pas compatible avec l'idée d'un enseignement centralisé. Et c'est l'internet qui gagnera.
Croiser le destin de l'homme politique qui perd son pouvoir en même temps que l'entrepreneur en gagne. Le jeune politicien jalouse son alter-ego entrepreneur qui fait le travail rêvé, qui lui agit sur la force sociale, sur le peuple. Si la tâche de Houellebecq est de décrire la perte du désir en Occident qui fait suite à l'individualisme fin-de-siècle ; alors le prochain grand roman sera celui de la mort du travail "d'homme politique", ou plutôt, de son remplacement, du politicien à l'entrepreneur — en moins d'une génération. Au XX siècle, le politicien faisait avancer la cause de l'homme, pour finir, au XXI, par être une mafia au service de certains, comme le furent les régimes autocratiques d'antan.
C'est Uber qui défend l'homme, puisque les politiciens sont devenus incapables d'agir, ils se sont liés les mains croyant que le Welfare State annonçait la fin de l'histoire (comme toutes les aristocraties, le Welfare State se pensait indéboulonnable). Le politicien apparaît aux yeux de tous comme ce qu'il est, disons, par essence, un parasite vivant sur le dos d'autres, justifiant inlassablement sa survie, au même titre que les luddites des époques passées. L'homme politique est aussi affecté par l'internet que l'industrie du fiacre le fut par l'automobile.
Le passage aussi de la consommation comme aliénation à la consommation comme émancipation, et vice versa pour le travail "politique" qui passe du "progressisme" au "conservatisme".
L'histoire du remplacement du pouvoir symbolique & financier de l'Etat au profit d'une nouvelle classe, haïe et courtisée, haïe car elle vient les détruire, courtisée car c'est elle qui désormais domine. Le pouvoir policier est lui aussi mis à l'épreuve, Snowden etc. C'est la base constitutionnelle des Etats que l'internet attaque. Reprendre "La splendeur des Anderson" (Welles) qui illustre le clash entre deux habitus, clash à la fois mortel pour certains, et aux effets collatéraux considérables.

La religion est elle toujours collective ? La religion cherche à consoler. Est ce que la politique partage ça ? Quid de la vie économique, de la consommation.

Le plus mauvais don que la nature puisse faire : donner à l'enfant une propension créatrice sans l'énergie suffisante pour s'affirmer comme tel. Seul et déprimé, il finira mal sa vie, selon la loi de Tocqueville qui veut que la douleur est plus forte au plus proche de la frontière, ici du groupe des créateurs affirmés. Toute la question désormais est de savoir si ce que je crois comprendre de ma personnalité se change, et à quel prix, pour rentrer au sein de ce groupe supérieur. (Pour l'instant, plutôt sombre, je suis trop aristocratique, malgré moi, pour croire qu'on franchisse aisément une telle frontière — si la frontière qui me sépare d'avec les non-créatifs, frontière que je regarde "de haut", me paraît absolument infranchissable, pourquoi en serait-il autrement pour la supérieure ?)

Soirée avec T. C. hier. L'émancipation comme tri et décision. Le négatif amorce une première résistance.

Le fondateur de Minbox, boîte indépendante plus ou moins liée au réseau social faussement underground Ello, dit quelque part qu'il sera heureux lorsqu'il aura fait de Minbox un verbe. Il y a donc une tentation de changer le langage chez les startups, c'est dire leur ambition d'ordre, désormais et après Google mettons, intimement politique, ie fondée à transformer non seulement l'ordre social mais aussi la manière dont les gens parlent, donc vivent. L'obsession des startups pour un nom qui puissent devenir un verbe est quelque chose de fondamental pour comprendre l'ambition de certaines d'entre elles. Mindie veut jouer sur le mix entre la production artistique et le consumérisme. Minbox veut changer la façon dont les hommes interagissent, s'échangent de l'information.