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vendredi 29 octobre 2010

Les cycles "autrichiens" en question

“Le problème de l’ABCT est qu’elle repose sur l’hypothèse que les entrepreneurs sont totalement myopes et naïfs”
N’exagérons rien. Elle repose sur le fait que des changements de prix induisent des changement de comportement des entrepreneurs. Mais bien sûr si l’entrepreneur est capable de faire la part entre les variations de prix dues à l’inflation et celles dues à la demande des consommateurs, il peut en tenir compte. Peut-il pour autant éliminer complètement le “bruit” de la politique monétaire? C’est une question pertinente traitée ici par exemple :
http://mises.org/story/2673
On ne peut pas simultanément affirmer que les marchés sont intrinsèquement instables, que les prix d’actifs sont des bulles prêtes à se gonfler et à se dégonfler au moindre souffle des esprits animaux, et dans la même phrase expliquer que les entrepreneurs sont si clairvoyants qu’ils arriveront à discerner les vrais prix, les valeurs fondamentales, même lorsque la planche à billets tourne à plein régime. Comme cela, les marchés fonctionnent – ou bien ne fonctionnent pas – selon les nécessités de l’argument? Choisis ton camp, camarade!
Sur le plan historique, Anna Schwartz déclarait dans une interview récente au WSJ : “If you investigate individually the manias that the market has so dubbed over the years, in every case, it was expansive monetary policy that generated the boom in an asset.”
J’ai pensé un moment que la tulipmania était l’exception qui confirme la règle. Mais ce n’est même pas sûr, cf. la thèse de PhD de Doug French : “Early speculative bubbles and increases in the money supply” dirigée par Rothbard. Le chapitre 3 est intitutlé “Free coinage, the bank of Amsterdam, and tulipmania”. Plus récemment (2006), il a écrit un article “The Dutch monetary environment during tulipmania”

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Dans le cas du cycle, l’hypothèse est qu’un grand nombre d’entrepreneurs prennent à tort comme argent comptant (c’est le cas de le dire) les signaux que leur envoient les autorités monétaires. -> Précisément, c’est une hypothèse contestable et qui ne peut dans tous les cas aucunement prétendre au statut d’axiome. D’où la nécessité de tester empiriquement les “résultats” de l’ABCT.

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La logique de l’ABCT est d’étudier les conséquences de la création monétaire. La création monétaire a été importante depuis la fin de Bretton Woods, et a été particulièrement rapide après le 11/9/2001. Mais cela n’exclut pas qu’il puisse y avoir d’autres facteurs. Si l’on prend l’économie américaine, par exemple, Fannie Mae et Freddie Mac ont joué un rôle significatif dans l’(hyper)croissance des subprimes, EN PLUS du phénomène purement monétaire. Il ne s’agit donc pas de défendre l’ABCT contre telle ou telle autre explication (à condition qu’elle tienne la route).
Un autre aspect de l’ABCT est que sa méthode consiste à étudier des liens de cause à effet. Ce n’est pas pour autant un « théorème » irréfutable. Mais l’explication qui est donnée est nettement plus solide que les explications psychologiques que l’on entend si souvent. L’avidité des banquiers, par exemple, est typiquement une explication psychologique qui n’a aucune valeur explicative, comme s’il y avait eu une soudaine « épidémie d’avidité » dans la finance ces dernières années…

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“Ici, on est plus dans la configuration d’un dilemme du prisonnier répété où les entrepreneurs anticipent les interactions futures. Si les entrepreneurs anticipent la période de contraction, alors il est dans leur intérêt de ne pas investir, ce raisonnement étant connaissance commune.”
-> me semblait au contraire que dans un dilemme du prisonnier répété avec une fin prévue, les joueurs suivent un comportement intéressé au lieu de coopérer. L’anticipation joue dans les deux sens: on sait qu’il y aura punition en cas de trahison, mais on sait aussi qu’il y aura trahison à la dernière étape, donc il y aura trahison à l’étape précédant la dernière, donc il y aura trahison à l’étape encore avant, etc. Ça correspond donc bien à l’ABCT. J’ai personnellement vécu une situation strictement de ce type, avec une trentaine


“Cela implique que la création monétaire devrait en permanence être excessive. Or, c’est un point qui reste à démontrer empiriquement.”
Pas tant que ça: les cycles continuent encore aujourd’hui, l’inflation persiste même quand elle est faible (au lieu d’être nulle) partout dans le monde, et les politiciens des états européens endettés pestent avec une belle unanimité contre la politique de la BCE. Tous ces signes vont dans le sens d’une création monétaire systémiquement excessive.