Des artistes qui cherchent et ne trouvent rien (au contraire de Picasso qui déclarait superbement « je ne cherche pas, je trouve »), des révolutionnaires qui s’en prennent au monde plutôt qu’au mal, des idéologues à qui l’humanité ne convient pas car elle déborde le cadre de leur « idéal », des nihilistes qui rejettent Dieu à cause de la souffrance des enfants mais qui ne font rien pour ces enfants.
Faire semblant de souffrir pour les autres, se réjouir secrètement de tous les maux qui permettent d’accuser la vie, glorifier sa propre (in)suffisance, voilà donc comment fonctionne celui qui, avant toutes choses, ne supporte pas que l’on se défende réellement contre ce qui nous menace.
L’ennemi de l’art, aujourd’hui, ce ne sont donc plus les clercs ou les censeurs, mais les artistes eux-mêmes. « L’effondrement de l’art, note Mattéi, tient moins à l’utilisation mercantile des œuvres (…) qu’à la destruction volontaire de l’œuvre par ceux qui ont pour charge de la créer. » Le sens, c’est ce qu’il faut annihiler à tous prix – en se faisant de la tune tout de même. Et comme faire des horreurs peut encore avoir un sens « négatif », il faut renoncer absolument à tout impact sensible de l’œuvre. Revoilà le concept ! L’important, ce n’est plus l’œuvre, c’est le chemin qui y mène. « L’art contemporain devient insurrectionnel en mettant en scène sa propre représentation. »
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Après Dieu et l’Histoire, c’est au tour du Temps d’être déclaré coupable par les professionnels de l’indignation. Le Temps qui nous use, nous fait souffrir, nous oublie et ose continuer sans nous. Une fois de plus, l’on s’indigne non pas d’une injustice particulière mais bien de l’ordre des choses.
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En vérité, nous sommes dans un monde qui a substitué les idées justes et les sentiments généreux aux idées généreuses et aux sentiments justes. Nous sommes dans un monde de plus en plus humanitaire et de moins en moins humain. Un monde chrétien, en quelque sorte, plein d’amour pour tous, mais qui ne veut plus entendre parler de croix, de péché - et par là-même de pardon. « Le monde moderne n’est pas méchant, écrivait encore l’auteur d’Orthodoxie, à certains égards il est beaucoup trop bon. Il est rempli de vertus farouches et gaspillées. » L’indignation est l’un de ces gaspillages.
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Nous serions dans un monde païen qu’au moins nous pourrions haïr les dieux en paix, sans culpabiliser, car ni Zeus, ni Apollon, ni Arès n’ont jamais dit qu’ils nous aimaient et voulaient notre bien. Alors que le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, lui le répète tous les deux versets, voire à chaque désastre humain – et par là-même nous empêche de le haïr sainement, ajoutant la névrose à notre rage. Ce n’est donc pas tant la souffrance des enfants qui indigne Ivan que cette souffrance sur fonds d’amour divin.
Chez le jeune Marx, l’ennemi, ce n’est plus Dieu, qui du reste n’existe pas, mais l’histoire qui depuis ses débuts enferme l’humanité dans une lutte des classes sans fin. Il faut donc libérer l’humanité de l’histoire.
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