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samedi 1 juillet 2017

La Seconde Révolution française, Mendras

On ne construit pas de maisons entre 1914 et 1960 dans bien des villages en France.

À partir de 65, les Français travaillent moins et font moins d’enfant ; ils profitent de leurs efforts.

Chômage, emploi féminin, espérance de vie, divorce : des métriques qui montent encore après 73.

Deux conflits : secteur public contre privé (réglé en 83) ; Église contre République vont s’éteindre. L’entreprise et le profit deviennent légitiment à partir de 83 ; le créateur d’entreprise est traité en héros (voir la publicité ? Messier, Séguéla ?)

1963 c’est : le nu dans les magazines, Nanterre qui ouvre, l’élection présidentielle, Vatican II, la grande surface.

La culture populaire est morte. Les valeurs de la bourgeoisie inondent partout.

L’agriculteur, en 45, ne prenait pas de crédit pour faire fructifier son entreprise—c’était mal vu d’être « en dette ». La paysannerie était anti-progrès, méfiante à l’égard de la technique etc. Une série de formation a lieu pendant les 50’s et 60’s pour apprendre la bonne gestion économique. Tout est fait en autoconsommation, il n’y a pas d’argent qui circule, si ce n’est pour gérer les successions. (Pas de salariat, payé une fois l’an car aucun coût fixe, aucun dépense.)

Le prolétariat naît véritablement qu’après 1900 en France (un siècle après l’Angleterre, un demi-siècle après l’Allemagne). La conscience de classe remplace le sentiment d’appartenance à « un métier ». C’est une force politique à partir des 50’s—en 36 les ouvriers ne sont pas encore massivement syndicalisés, ils le deviendront suite à 36, pas avant. Le prolétariat décrit par Marx n’existe que sur deux générations en France : dès les 80’s, les ouvriers ont des boulots proches de l’employé, pas d’efforts physiques, salariat, cantine, etc. Les immigrés prennent le relais, et ils obéissent à des formes très différentes du cliché ouvrier-syndicalisés de la première génération (entre-deux guerre).

Le mode de vie bourgeois répond à des règles écrites, tangibles, publiées dans des livres. Le nombre de domestiques est l’indication la plus claire du rang. On veut en avoir beaucoup pour ne rien faire soi-même, se donner en spectacle.
-> Énorme différence avec l’ère des robots, de l’optimisation, du gâchis que serait d’avoir des domestiques pour des bourgeois d’aujourd’hui. Il n’y a plus de bourgeois car il n’y a plus de tradition ? Non, car les paysans répondaient aussi à des traditions, au contraire il y a une légèreté par rapport aux règles qui est commune à tous.
« Une classe tout occupée de son loisir et de son confort. » Il faut en mettre plein la vue, le plus possible. « Bien vivre avec ostentation. »
-> cf. Instagram et la diffusion du « cool » e.g des endroits où il faut être, du FOMO, etc. Toujours être à la mode, au dernier-cri. Finalement un genre de snobisme qui a conquis le monde entier ; être « dans le coup » et s’observer les uns les autres pour savoir qui désir quoi, qui porte quoi, qui voyage où etc.

La mobilité sociale, c’est de devenir instituteur et d’offrir à ses enfants une plus grande carrière encore. Pompidou, Chirac, Armand (SNCF), etc.

La classe moyenne, dit déjà Simmel, déjoue le conflit marxiste. La classe moyenne opère la synthèse, permet aux uns et aux autres de s’y retrouver, donc nie l’antagonisme fondamental. Cela arrive plus tôt aux USA qu’en France.

Le barbecue remplace le dîner bourgeois : dehors et non dedans ; pas de distinction entre producteur et consommateurs, on mange les brochettes qu’on fait cuire ; habits informels ; hommes et femmes, vieux et jeunes tous assis ensemble de façon négligés, sans ordre, on se lève et on se rassoit. Le désordre est apparent mais l’ordre règne ; rôle de la femme (cuisine, salade) et celui de l’homme (faire cuire) ; décor pas du tout improvisé.

La durée de diffusion d’un prénom à la mode est passé de 37 ans à 13 ans en un siècle. Cela pour démontrer que le temps de circulation des modes est plus court, donc que c’est moins hiérarchique qu’horizontal.

Depuis 62, l’anti-militarisme n’est plus une forme de débat politique. L’armée n’est plus un sujet.

Auparavant, l’église c’était quatre chose : baptême, communion, mariage, enterrement. On passe de 92% à 50% entre 60’s et 90’s.

Quitter le P.C.F, c’était rompre avec tous les liens sociaux ; se couper d’un monde (clinique, presse, vacances, réunions, etc.) d’un seul coup. Absolument pas tenable : on comprend que l’idéologie ait résisté aussi longtemps, par la force des choses, du social.
-> De même, adhérer au FN aujourd’hui—ou sortir de l’Église avant le XXème—c’est rompre avec tous les liens sociaux, famille, couple, amis, médias, culture, travail, etc. La pensée-unique dépasse très rapidement le débat idéologique, elle rend « invivable » le fait de changer d’opinion.
À partir de 68, on préfère l’hédonisme au moralisme ; les ouvriers cherchent à se différencier des nouveaux pauvres et du « quart monde » ; le misérabilisme est perçu comme mensonger ; le P.C.F devient une secte, soucieuse de protéger ses membres.

Le pouvoir politique se fiche bien des universités, les bâtiments ressemblent à des HLM et n’ont pas grossit alors que la population étudiante a doublé entre 70’s et 80’s.

Le nombre d’élections augmente, avec l’Europe et les régionales. Avant 81, Mitterrand critiquait encore le mode d’élection du président au suffrage universel ; une fois qu’il a pris le pouvoir ainsi, les Français ont accepté ce mode de scrutin.

(L’amour libertaire n’est justement pas « ultra-libéral » comme le dit Houellebecq. Un mariage d’amour, c’est placer autre chose que l’intérêt comme ciment du couple ; d’où la hausse des divorces car la passion, contrairement à l’intérêt (e.g elle est riche, il est noble), peut disparaître. Le mariage d’amour, et toute une société fondée sur l’hédonisme sexuel, c’est le contraire du libéralisme qui défend l’intérêt avant la passion.)

Jusqu’en 1970, l’âge du mariage baisse et le taux de mariage montent. Puis entre 70’s et 90’s, le taux de divorce triple, l’âge moyen passe de 25 à 28 ans (hommes).
En 1975, la famille a résisté à la tempête de Mai 68 qui voulait abolir le cadre familial : enfants élevés en commun, communauté sexuelle, budget cuisine collectif ; abolition de la jalousie ; tout cela a échoué très vite.
Auparavant, la durée d’un mariage moyen était de quinze ans. La marâtre venait remplacer la mère souvent décédée en couche ; image disparue avec la belle-mère, et le passage d’une famille à l’autre.
Ce n’est plus la « cohabition » qui fait le couple : le fait de pouvoir reconnaître des enfants de plusieurs femmes est désormais possible—cela rend la polygamie tolérée. C’est la mère qui devient centrale dans la vie d’un enfant ; l’anxiété que le père soit légalement celui qui « tient le lit » disparaît.

La production de disques quintuple entre 1960 et 1980. Production de cassettes est multipliée par 16 entre 70 et 80. Tendance globale : on se détourne des grandes institutions, on crée des associations, participent à des groupes, etc. à l’échelle locale.
7% des foyers ont un piano en 1990.

En même temps que les « humanités » disparaissent, l’humanisme qui lui est lié aussi. La culture gréco-romaine, et la culture religieuse, ont disparu de l’enseignement ; au profit d’autre chose, des mathématiques. Caton, Achille, Horace, Phèdre, Cicéron… des références classiques pour un bachelier de 1900, connues aujourd’hui des seuls spécialistes.

Le « style de vie sport » arrive dans les 80’s. Paris se classe en tête des villes où l’on pratique un sport, le plus souvent individuel (car plus bourgeois) ; contre la campagne où ce sont les sports d’équipe qui priment. Jogging et aérobic explosent dès les 80’s ; en même temps que les sports à risque, parapente, ski acrobatique. Le sport comme pratique sportive, orientée vers la compétition, ou le sport pour « rester en forme », pour soi.
On commente chaque coup à la pétanque, on ne parle pas au tennis. Laisser-aller contre retenue.

Les femmes parlent plus avec leurs parents qu’avec leurs amis. L’intimité modérée des urbains focalisent sur les amis et les parents, modèrent le rapport au voisinage. Les cadres, eux, préfèrent leurs amis aux parents, par un « engagement électif » rythmé par les associations et les spectacles.

« Les manières et les modes de vies es ouvriers décrits par Bourdieu sont en train de s’affadir. » Les budgets, par exemple, consacrés à la nourriture tendent à s’uniformiser, de 30 à 20 points d’écarts en dix ans.
Pour l’ouvrier, loisir veut dire repos. Pour le cadre, il signifie activité, bricolage, sport, etc.

Les valeurs morales : diversité pour l’ensemble n’entraîne pas incertitude pour chacun. Volte-face idéologique de l’église : à la morale de l’échec fait place celle du plaisir : le travail n’est plus une malédiction mais l’occasion de « se réaliser ».