Il faut réfléchir plus loin que Sal Khan sur l'éducation. C'est à dire : comment imaginer une autre école. Je veux dire, très concrètement, qu'est-ce qu'une école fondée sur du MOOC et une classe inversée. Comment ça se passe, concrètement. Et comment ça se met en place.
Et, deuxième partie de l'analyse. Quels seront les effets concrets. Au jour le jour. Et quels seront les effets spirituels et corporelles du basculement du rapport à l'autorité.
Quel sera le lien entre l'école, l'entrepreneur et l'État.
Que deviendra l'incorporation du bon comportement une fois que l'école devient un débat sur le contenu plutôt que sur l'institution "totale". L'école étant moins un lieu de transmission du savoir que d'uniformisation des psychés et de l'autocontrôle. D'où la question que pose l'approche de l'autocontrôle par l'écran du MOOC.
Quel sera le prix d'une telle école. Comment les budgets seront alloués. Quelle sera alors la tâche noble du professeur. Quel rôle social pour un professeur : il n'est plus un canal de transmission mais quelqu'un qui améliore, qui personnalise le rapport entre l'individu et l'information. Mais il n'est pas le dépositaire de l'information etc. (Tout comme devrait l'être le journalisme : un sélecteur de contenus, plus qu'un agrégateur).
Quel sera la hiérarchie dans une classe où ce sont les devoirs qui prennent une place centrale. Il n'y a plus l'humiliation devant le professeur, hésitant à poser des questions devant la classe. Il y a un rapport individuel et adapté au cours, le cours magistral met certes fin à la passivité, à l'écolier-éponge qui n'apprend qu'à rester sur une chaise (autocontrôle, encore une fois) et à respecter celui qui se tient debout. Mais comment s'effectue la hiérarchie entre élèves ?
L'économie des sens et la classe inversée. Que devient le rapport à l'écoute, à l'oeil… mais aussi le rapport dans l'espace, le rapport aux corps d'autrui, à ses pairs. Enfin que devient l'économie psychique, le contrôle de soi, l'acception de la hiérarchie, de l'autorité, du "meilleur" dans un domaine, bref de la domination. Et quel rapport à la distinction de soi, à la famille comme racines.
Mais aussi : quel rôle pour l'ennui à l'école. Faut-il apprendre l'ennui ? Faut-il faire comprendre qu'il n'y a pas à s'ennuyer. L'économie du désir et le rapport au temps dans le MOOC (cours au rythme de chacun, refus a priori de l'unicité du rapport au savoir… d'où, inégalités intrinsèques au système). Mais quid de l'entre-aide proposée pendant les devoirs, du rapport actif à l'environnement d'une salle de classe (et alors, quelles incitations pour débuter ?).
Quel rapport (naïf chez Khan) à la créativité ? Ce n'est pas, comme il dit, de faire faire des instruments à tous qui compte. C'est de faire comprendre les mathématiques à 100%, pas à 95%.
Un bourdieusien dira : de toute façon, nous sommes dans le mauvais débat. Car ce qui importe, c'est le contenu d'abord, puis les moyens de sélections des élites, et in fine la façon dont on légitime la reproduction des élites.
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Il faut toujours défendre le principe, qu'à un moment donné, il faut donner un coefficient plus important aux matières les mieux réussies par les élèves. C'est avec ce genre d'incitation qui se créée des vocations et des curieux.
Le principe de l'école : ne pas créer des géographes, mais des chercheurs d'or. Et cette doctrine aurait un effet conséquent sur la reproduction sociale.
Pour créer du juste, il faut le moins de système centralisé possible (qui créer, par définition même, une sélection biaisée par le point d'entré dans le système, point qui est unique). Lorsqu'il y a mille portes d'accès au pouvoir, alors les gens obtiennent leur pouvoir différemment, par différentes voies d'accès. Après, c'est une question de légitimation que de faire accepter socialement tous les moyens de réussites tant que la fin (la possession de Pouvoir) est accomplie -sans trop de sang versé ah!ah!
Finalement, c'est la question du self-made man qui se pose. Ou plutôt, la part du self-made man en chacun que l'école devrait accroitre et non étouffer.