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mercredi 23 juin 2010

Les penseurs de notre temps - Sorman

Anthropologie. Dans l'analyse de Wilson, la question n'est donc pas de savoir si les religions sont vraies ou fausses : elles sont absolument nécessaires à la survie de l'homme, et l'aspiration religieuse est génétiquement programmée. C'est également dans nos gènes qu'il faudrait, selon lui, trouver les sources du Bien et du Mal : deux notions programmées qui canalisent nos instincts vers la procréation plutôt que vers l'extinction.
Notre liberté existe, mais ce que nous désirons s'inscrit dans un champ délimité par nos gènes.
Tous les hommes ne sont pas « égaux », mais ces différences n'impliquent aucune supériorité.

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Du processus d'évolution. « Le premier rôle n'est plus tenu par la nécessité (comme chez Darwin), mais par le hasard ». La « théorie neutraliste de l'évolution » est une rupture dans le monde darwinien, comparable à l'introduction, dans les années vingt, du principe d'incertitude dans le monde newtonien. Selon Kimura, c'est le hasard qui gouverne l'évolution, et ce sont les espèces les plus chanceuses qui survivent. La succession d'événements qui, en quatre milliards d'années, a conduit de l'apparition de la première cellule vivante à l'homme, fut tellement improbable qu'il n'est mathématiquement pas possible qu'elle se reproduise ailleurs.

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Structures syntaxiques. C'est une révolution dans la linguistique, dominée par les structuralistes. Chomsky, alors assistant au Massachusetts Institute of Technology, élabore le concept d'une grammaire innée (grammaire générative), arguant que l'aptitude au langage est un système biologique, comme peut l'être la vision.
Toutes les langues reposent en fait sur une seule grammaire universelle, et la structure des langues que l'homme est susceptible de parler est limitée. Pourquoi ? Parce que nous sommes conditionnés par notre patrimoine génétique. « Notre biologie ne nous permet pas de produire ou de combiner n'importe quel sons, car le langage est le produit de notre évolution naturelle ».
De même, en l'état actuel de nos connaissances, rien ne permet de croire qu'un mode de pensée puisse être influencé par la langue. Aucune langue ne semble conduire à un comportement particulier.

On ne peut pas dire non plus que certaines langues soient particulièrement difficiles. Le japonais, par exemple, ne présente aucun caractère inusuel, et ses structures sont semblables à celles des langues européennes. Un enfant japonais apprend sa langue avec la même dextérité qu'un enfant français la sienne, sans qu'on puisse dire que l'un est plus capable ou plus intelligent que l'autre. Si, d'aventure, une langue devenait trop complexe, les enfants élimineraient cette complexité, car ce sont eux qui recréent la langue à chaque génération. Aucune langue, précise encore Chomsky, ne peut évoluer au point de devenir trop difficile pour qu'un enfant l'apprenne, sinon cette langue disparaîtrait en tant que telle au bout d'une génération. C'est pourquoi aucune langue n'est plus compliquée qu'une autre, et aucune n'évolue vers plus de complexité.