Dans la culture occidentale, la colère et la menace sont probablement la manière la plus rapide de perdre la face. Dans une discussion, celui qui se met en colère a automatiquement perdu, et j’imagine que la plupart des gens ont obervé l’impression de honte et la perte de statut social qui font suite à une manifestation d’agressivité au travail ou à la maison. Dans la culture musulmane, les comportements agressifs, et en particulier les menaces, paraissent être généralement admis et même attendus comme moyen de traiter les conflits et les tensions sociales. Si un musulman (pas une musulmane, car le plus souvent on attend d’elle qu’elle soit humble et ne manifeste pas de pouvoir) ne répond pas à l’insulte ou à la tension sociale par des menaces, il est perçu comme faible, comme quelqu’un sur qui on ne peut pas compter, et il perd la face.
Aux yeux de la plupart des Occidentaux, les comportements menaçants adoptés pour marquer son désaccord sont vus comme immatures et puérils. Selon un proverbe danois, « seuls les petits chiens aboient, les gros n’en ont pas besoin ». Ce proverbe est profondément ancré dans notre psychologie culturelle, c’est l’un des principes de base d’un comportement social civilisé. Pour nous, l’agressivité est un signe manifeste de faiblesse. C’est le signe que la personne ne se contrôle pas et qu’elle est incapable de gérer la situation. Nous percevons la capacité des gens à rester calmes comme traduisant la confiance en soi et permettant d’élaborer un dialogue constructif. La connaissance des faits, le recours au bon sens et la capacité à présenter des arguments valables sont perçus comme des signes de force.
L’expression islamique de « sainte colère » est donc parfaitement contradictoire avec la pensée occidentale. Ces deux mots mis ensemble, nous les percevons comme contradictoires. La menace terroriste et la réaction violente des musulmans à l’affaire des caricatures danoises de Mahomet, montrant leur prophète comme un homme prêt à recourir à la violence pour répandre son message, nous font sourire : la réaction agressive des musulmans à un dessin montrant leur prophète comme agressif confirme absolument la vérité du constat dressé par Kurt Westergaard dans son dessin.
Dans les sociétés bâties sous l’influence de l’islam et du Coran, il y a sans doute moins de sentiment de culpabilité et les gens sont donc plus libres d’exiger que l’environnement s’adapte à leurs propres souhaits et désirs.
Cette manière de commencer en tenant la laisse courte est en fait très habituelle dans notre manière occidentale d’élever les enfants. Nous commençons avec des exigences strictes en matière d’école, de devoirs à la maison, et de bonne conduite. Puis, quand l’enfant grandit et mûrit, ses parents lui laissent davantage de liberté. À 21 ans, on estime qu’il a assez appris pour savoir vivre sa vie et il est libre de choisir l’éducation, le partenaire, la religion ou le mode de vie qu’il veut.
La pardon est central dans nos psychologies occidentales, et vient évidemment du fond chrétien.
Chez nous, présenter ses excuses parait normal. En retour, si l’offense est perçue comme faible et que le moment s’y prête, l’offensé peut accorder son pardon.
Nous raisonnons donc ainsi avec les autres, nous pensons qu’en présentant nos excuses, nous obtiendrons le pardon que nous attendons. Le pardon n’existe pas dans beaucoup d’autres civilisations, et sans doute pas dans l’islam !
Le problème, je pense, vient du fait que nous pensons encore que le reste du monde résonne et se comporte comme nous.
Dans la culture musulmane, c’est différent, surtout pour les garçons. Les enfants ont beaucoup de liberté au début de leur vie et, à mesure qu’ils grandissent, il semble que la structure familiale soit soutenue par des restrictions culturelles et religieuses de plus en plus nombreuses. Quand ils ont 20 ans, leurs parents ont souvent déjà choisi leur future femme ou leur futur mari. Les autres choix, eux aussi, sont moins libres : l’attente, par exemple, de l’obtention d’un statut élevé par l’éducation ou le travail dans la petite boutique familiale, le soutien à la réputation de la famille par la participation aux prières du vendredi à la mosquée locale. La « pyramide de l’éducation » est à l’envers en Occident : moins de liberté au début, plus de responsabilité quand on grandit. Dans la culture musulmane, la pyramide repose sur sa base : peu d’exigences quant à un comportement civilisé pour le jeune garçon, et moins de liberté quand il devient plus compétent, pour soutenir sa famille et sa religion.
Il est clair que le fait d’être musulman passe avant toute identité nationale. Il est clair que le fait d’être musulman passe avant toute identité nationale. Samuel P. Huntington - auteur du livre Le choc des civilisations - a décrit un modèle en « U ». Mes constats sont très proches de ceux de Huntington. Les sommets des deux « tours » du « U » sont les endroits où les musulmans se sentent « appartenir à l’Oumma » (la communauté musulmane mondiale) et « appartenir à la tribu » (se rassembler entre musulmans dans la même région géographique). À la partie basse du « U » se trouve l’identité nationale. Pour les Occidentaux, c’est l’inverse, notre « U » est à l’envers. Notre sentiment de devoir envers le pays où nous vivons est plus fort que notre religion ou notre groupe.
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