mercredi 22 avril 2015

Chronique III

Aurélien Bellanger :
"Il n’y a plus de célibataires mais des abonnés à Tinder, plus d’abonnés passifs mais des produits pensants, plus d’inégalités nulle part et des taxis Uber partout. Quelle que soit la situation ou le désagrément, il y aura une application pour ça. Et le marché des rapports interhumains, longtemps confisqué par les Etats et la politique, échapperait enfin à ces situations de monopole. Avant, les citoyens votaient tous les deux ou trois ans, maintenant ils expriment, pourvu que dans le cloud quelqu’un comptabilise, leurs opinions et désirs à chaque fois qu’ils lisent, qu’ils cherchent, qu’ils checkent, qu’ils swipent ou qu’ils actualisent."

Tristan Garcia :
Proche de "Confessions d'un enfant du siècle" de Musset. Une génération qui n'a pas la guerre, qui se sent trop instruite aussi, par rapport à  ses parents et grands parents. Ils ont raté l'Histoire. Mais ceux qui, dans les tranchées, vivaient pour le coup l'Histoire en marche comme, peut-être, elle ne se fera plus jamais. Ceux-là les poilus avaient le sentiment de passer à coté de biens de choses, de leur vie d'adulte 'normale'. La tranquillité de la démocratie est-elle une fin en soi.
Qu'est-ce qu'une physiologie particulière d'une espèce fait à son langage ? C'est ça qui intéresse certaines fictions qui s'attachent à décrire la façon dont les animaux parlent une langue qui leur est propre, propre à leur corps, à leur sensation, et n'imite donc pas le langage humain. (Chez Swift, les chevaux ne peuvent pas mentir, ni écrire, car leur corps leur interdit). Les animaux parlent rarement de ce que ça fait d'être un animal. L'animal qui imite l'homme qui parle, depuis son corps propre.
• L’homme a pu chercher à se saisir lui-même par le haut – par extrapolation de lui-même dans les recherches liées à l’intelligence artificielle – et par le bas, en cherchant à se retrouver dans les animaux – concomitance des projets de recherches cybernétiques.
• Sinon, ma thèse, c’est une thèse d’esthétique, autour du concept de représentation. J’essaie notamment de contester le grand lieu commun des études sur la modernité, à savoir : l’art contemporain présente des choses au lieu de les représenter. Et, je défends de façon assez optimiste l’art du XXème siècle en disant que, contrairement à ce qu’ont cru tous les intellectuels, le plus important dans l’art du XXème, ce n’était pas l’art contemporain, Warhol, Duchamp, Beuys, mais c’étaient au contraire les nouvelles formes de représentation, le plus souvent populaires, et qui viennent pour la plupart du XIXème siècle : la photographie, le cinéma, la science-fiction, le policier, la musique enregistrée, la télévision. Je suis assez méfiant envers l’art contemporain aujourd’hui, et en tous cas je pense que pour être vraiment moderne aujourd’hui, il faut arrêter d’être contemporain.

La fiction est là comme une espérance d'un langage universel, au-delà de notre langue contingente et humaine. La spécificité du langage humain et son universalité.

Schrödinger :
La mutation est un phénomène quantique dans l'évolution. Il n'y a pas d'étapes intermédiaires, puisque la mutation se fait au hasard, un cran plus loin que l'état normal. C'est pourquoi il ne peut y avoir qu'une seule mutation à la fois, pour voir si celle-ci est meilleure, il faut que ce soit "toute chose égale par ailleurs". C'est aussi pour ça que les mutation sont des événements "rares".

Hayek :
L'éthique n'est pas pour nous affaire de choix. Nous ne l'avons pas fabriquée, ni ne pouvons la remodeler. L'homme a du rompre avec les comportements affectifs bons pour la petite bande. La société abstraite repose sur des règles apprises, et non sur la poursuite en commun d'objectifs désirables que l'on perçoit. La poursuite directe de satisfactions ou d'objets perçus contre l'obéissance à des règles apprises.
Tout progrès fut accompli en transgressant des règles pour des nouvelles, non parce qu'on en comprenait la supériorité rationnellement, mais parce que les groupes adoptant ces règles réussissaient mieux.
La culture ne fut ni créée rationnellement, ni naturellement. Le cerveau de l'homme n'est pas assez intelligent pour créer une culture, ni élaborer des règles abstraites permettant d'imaginer une société complexe. Le cerveau est seulement suffisant pour "apprendre" une culture, imiter et transmettre.
Le langage, la morale, le droit et la monnaie sont le fruit d'une croissance spontanée et non d'un dessein. Le pouvoir politique organisé s'est marré du droit et de la monnaie pour les corrompre.
L'ordre abstrait procure simplement à l'individu de meilleures perspectives de réussite dans ses initiatives, mais ne lui ouvre aucune créance sur des biens particuliers.
Ce fut l'adhésion massive qui fonctionner durablement l'ordre de marché. Les innovateurs, seuls, n'auraient rien pu faire.
La revendication d'une "juste" distribution annonce le retour des émotions originelles de l'homme tribal. Car personne ne comprend le fonctionnement de la société, dont les résultats apparaissent comme immoraux.
L'expansion du capitalisme doit ses origines à l'anarchie politique, au Moyen Age comme pour les Grecs. On découvrit la liberté individuelle, et la propriété (et leur indissociabilité).
La tradition est un process de sélection guidé, non par la raison, mais par le succès.

Taddéï :
L'art, c'est un moyen de rencontrer autrui. On aime l'art car on fait l'expérience d'autrui, et plus souvent des meilleurs. J'ai réussi à me débarrasser de toutes mes opinions, pour essayer de me sortir de ma contingence, pour être plus ouvert, imprévisible.

Luchini :
Un sens aiguë de la hiérarchie culturelle, la certitude musicale d'un Céline par rapport à tout ce qu'on peut dire, penser, dans les interviews médiatiques, la bassesse du monde. Seule la bêtise insiste. Viser l'apaisement de l'anxiété, qui est ma nature. Au lieu d'être dans l'obsession de faire des films, apprendre à supporter le passage sans films, sans médias. Je n'ai pas un moi suffisamment stable pour être incarné. Je n'arrive pas à être modéré.

Je diffère avec T. C. car je ne crois pas à l'intensification de l'existence individuelle. Je suis trop dépressif pour ça. Je ne peux jouir d'être au monde. La jouissance d'être là le pur plaisir d'exister m'est étranger. Dès lors comment défendre cette forme individuelle d'émancipation ?

Ce qui m'impressionne plus que l'intellect, que les intellectuels, que la belle position sociale : Trois adolescentes rentrent dans une rame ; la grâce nonchalante, cheveux en batailles, un dandysme, une confiance en elle, normcore à souhait, l'inverse des coquettes. Il y a, chez elles, quelque chose qui m'est si lointain, si étranger par rapport au grand-écrivain, au grand-banquier. Eux tous, trop inférieurs ; j'ai déjà pour eux de la pitié. La seule admiration qu'il me reste, c'est pour la chaire ; lu trop de livres peut-être. N'étant plus impressionné par rien mais tous les jours un peu plus déçu par le hommes et leurs choses. Ce n'est pas de la légèreté, déjà adolescentes, elles sont sévères, trop belles pour être réellement triviales peut-être ?

Lagasnerie :
Le passage, au sein de la gauche, de la référence à Karl Marx à la référence à Karl Polanyi dans la critique du néolibéralisme est un basculement conservateur : on se met à penser que le problème du marché est qu'il défait des liens et non qu'il consolide un ordre de classes et d'exploitation.

Ce moment dans la vie où l'on découvre ce qu'on aime, ce qu'on aime pas. Le film, le livre, qui nous donne une opinion.

Les écrivains ne devraient avoir le droit de n'écrire un seul livre, par honnêteté.

Houellebecq :
Avant, un pépé n'était qu'un pépé. Aujourd'hui, on lui demande trop de choses, d'être viril, d'aimer sa femme, d'atteindre des objectifs, d'être l'ami de ses enfants… Le pépé d'hier, aujourd'hui, serait un vieux loser.

Guyotat :
Obsession du fonctionnement d'un cerveau d'analphabète. Un homme n'est-il homme qu'à partir où il peut lire, c'est-à-dire se défendre contre l'idéologie, l'esclave, la prostitution.

Desplechin :
[Votre plus grande peur ?] Que cesse ce bruissement populaire autour des films – commentaires, exégèses  et conversations – qui fait du cinéma un art vivant. Un art qui se joue à trois : ceux qui fabriquent les films, ceux qui les regardent et ceux qui les critiquent. J'ai peur qu'un jour, le cinéma se muséifie au point de ne plus compter, au sens où le philosophe Stanley Cavell emploie le terme « matter » : pour l'homme de la rue, la création d'un opéra ou d'un tableau ne compte pas. Mais allez dans un bistrot parisien en plein Festival de Cannes et vous entendez des gens qui ne vont jamais en salles parier sur les chances d'un film kurde en lice pour la Palme.

Ecrire des livres comme une pièce d'art contemporain. Le travail d'écrivain fut, très tôt, toujours, une réponse au cinéma, l'exploration de ce que pourrait être une lutte de l'écrit contre l'image, sachant que l'image lui sera, in fine, supérieure.

Eric Reinhardt. Fantasme pour le présent, l'incarnation de la danse en direct, du théâtre aussi devant des acteurs sur scène dans une salle. Présent pur.

Le travail pour sauver de la dépression, s'imposer l'apprentissage du grec, comme le recommande Flaubert à son amie dépressive.

Queneau différencie l'écrivain de l'amateur, dès l'envoi du manuscrit. L'amateur écrit pour se soulager, sans se rendre compte qu'il a des lecteurs, des écrivains contemporains, une tradition derrière lui. Celui qui peut devenir un écrivain comprend le travail (ce n'est pas se faire seulement plaisir), il comprend qu'écrire, être publié, c'est une communication avec les autres.

Sam Altman. On current trajectories, in 2-3 years more people will apply to YC than to Harvard. 2-3 years after that, more to YC than to Stanford.

La critique du libre-arbitre : "je peux ce que je veux". Certes, mais "peux-tu vouloir ce que tu veux ?". La liberté morale, du choix, de la volonté, dépasser donc la liberté d'action.

vendredi 10 avril 2015

Pharmacologie, roman

Quelques thèmes intéressants.
- La pharmacologie comme dosage entre le toxique, le placebo et le soin.
- La performativité des énoncés, des théories économiques sur les comportements. Et, plus généralement, tout ce qu'il y a de performatif dans le quotidien.
- Les syndromes de la dépression. La fatigue, la perte de mémoire, le mal de dos. L'aspect performatif de l'état dépressif.
- L'évolution historique du regard sur le progrès médical, sur le génie génétique.
- L'entrée de la médecine, de la biologie, dans le discours politique à venir. L'égalité des chances traitée par la biologie et non la redistribution des richesses.
- L'histoire de l'informatique, croisements avec le travail de l'homme politique, des promesses de l'Etat comme acteur de la providence sociale. La tentation planificatrice de la cybernétique.
- La technique, question centrale, concentre en partie les critiques adressées au capitalisme, et est l'instrument qui, constamment, a provoqué des ruptures dans l'histoire des humains. La haine de la technique prend deux formes : la clairière de l'être (l'idée d'emprise numérique) et l'écologie (destruction programmée de l'espèce) — plus que le désenchantement du monde qui s'avère moins évident.
- Les phénomènes de ghettoïsation, communautarisme, chasse-aux-sorcières. Le pacifisme de la classe politique qui, comme en 1940, amènera le pire.
- La mémoire, dernier vestige du singe en nous.
- Le rétro-futurisme, les erreurs d'anticipation du futur (de l'informatique, de la médecine) depuis le début du XXème siècle.

I. L'essoufflement du génie français, les invasions barbares.
L'enfance des années 90 en Seine-et-Marne. Aperçu de la vie parisienne, californienne.
L'état dépressif d'un étudiant en génétique. Rencontre avec l'énarque.
La création d'une startup, ses rites, rêves, erreurs. Pourquoi est-ce devenu si apprécié dans les années 2010 ? Rencontre avec les BTS, McKinsey, artistes, fonctionnaires.

II. Le combat politique autour du transhumanisme.
Part retrouver son amante, étudiante à Berkley.
L'intégration d'une startup qui fonctionne, en Biotech, dans la vallée, et ses chercheurs, investisseurs.
L'histoire sociale, politique, de la Silicon Valley versus NYC, versus L.A, versus Washington.

III. La SF n'a jamais lieu. (Le temps retrouvé).
Monologue du cyborg.
Critique de l'anticipation technologique. Et pourtant la technique nous déracine, dans les faits.
Visite de son ancienne amante, mariée, avec enfants. Le quotidien révélateur.
Un jeune homme veut le faire parler, le héros refuse, comme son grand-père d'autrefois. À l'époque, le héros ne comprenait pas pourquoi son grand père s'interdisait de parler, d'évoquer l'histoire du XXème siècle qu'il avait eu la chance de connaître de près. Désormais, à près de 130 ans, il comprend l'aspect insipide du passage de témoin aux plus jeunes. Il réalise à quel point cela est inutile, fatiguant. Tout comme son grand père devait le penser, avec raison. C'est aussi à cause de la faillibilité de la mémoire que son témoignage serait vain ; or il avait cru, jeune biologiste encore, pouvoir sortir l'homme de sa condition de singe, mais avait échoué. L'homme restait, en 2130, aussi esclave de sa nature, les efforts des transhumanistes, mouvement politique et moral, ne parvinrent même pas à changer ce banal rapport inter-générationel.
Le héros déambule dans une ville, une civilisation même, où rien n'a changé, ou si peu. Il relativise l'importance de la technique, notamment dans son caractère émancipateur. (La civilisation qui s'en sort, en termes de Bildung, est celle qui défend le marché, l'individualisme, peu importe l'avancement technique).


jeudi 2 avril 2015

Chronique II

Ne pas vouloir cultiver le mythe du secret. Vouloir tout dévoiler à la face du monde, ses erreurs comme ses certitudes. Eviter à tout prix l'effet "à la Lynch" dans la vie-vraie. Ne pas perdre les gens dans des dédales, vouloir toujours expliciter les choses, au risque d'en faire trop. Toujours préférer la narration à l'américaine, aux ficelles souvent visibles, mais qui, au moins, ne tente de cacher aucun mystère. Il faut être clair, ne laisser aucun soupçon sur la médiocrité de sa vie, et en attendre de même des autres parties.
N'en plus pouvoir des gens voulant cacher leurs traces et leur phallus derrière les politesses, les anecdotes trop longues. Trop souffert, sans doute, des historiettes laborieuses lors des repas familiaux où tout s'embourbe, tout prend trop de temps. Poser beaucoup de questions, reprendre la parole pour me présenter un peu plus, une autre facette, puis rapidement redonner la balle à l'autre afin de le cerner un peu plus encore. Une facette de notre subjectivité contre une autre.

Parler. Incessamment. Ne pas pouvoir s'arrêter lors des diverses soirées cette semaine. Avec S. C. d'abord, et ce devant C. C. que j'ai fait taire malgré moi. Puis, lendemain, rebelote avec A. F., silence devant la chanteuse, à la Gaité Lyrique. Puis enfin, troisième soir, au même endroit, avec E. V. et Al. F., déblatérant sur le monde des lettres. Trois fois, plaisir. Le sentiment aussi, d'avoir trop parlé, de s'être peut-être mis trop en danger. Toujours aussi des conversations intellos, ne pas pouvoir s'empêcher d'évoquer Heidegger, s'assurer une position de domination par le bulbe. Tandis qu'avec T. C., au contraire : je l'engueule lorsqu'il s'attarde trop sur le concept, le priant de s'intéresser au réel pour produire, un jour, quelque chose digne d'être lu et transmis. Non pas l'un contre l'autre, mais l'un et l'autre, ce qui demande de travailler autant du réel qu'on ne travaille un texte, avec la même concentration, le même sérieux. Thomas dit souvent qu'après A. F. et moi, il a besoin de parler avec des tempérament plus normaux, moins exigeants. J'imagine qu'A. F., de même, utilise Ar. S. et d'autres pour s'y défouler, retrouver les conversations saines des gens sains ; les sorties arrosées, les états amoureux. Les deux pylônes des jeunes gens.
Incapable de "me lâcher" — apparement proche de Tristan Garcia qui évoque ce cauchemar partagé. Car "se lâcher" c'est mourir, du moins en ai-je l'impression. Et, trop peureux, je n'ai encore trouver personne pour qui risquer ma peau au point de devoir "me lâcher" pour elle. L'écriture plus fort que la vie, ie la libido. Non pas la lecture, ni l'activité de pensée, mais l'écriture elle-même. Déjection d'une autre sorte, contenant non une âme — rien n'est sacré — mais une trace. L'écriture provoque une altération durable dans la subjectivité quand la libido soigne l'état anxieux de la chair. Et puisqu'avec l'âge l'anxiété s'amoindrie, on change de hobby.

Fonctionner comme un bulldozer, socialement. Aller trop vite, trop à l'essentiel. Imposer un rythme intense. D'où l'impression d'une excitation, car la température ne descend jamais. Emporter la conversation de plus en plus haut. Une conversation est doit ressembler à une avalanche. Utiliser tout ce qui se dit pour faire grossir la densité émotionnelle dans l'échange. Ré-utiliser beaucoup de ce qui s'est dit, d'abord pour montrer qu'on est à l'écoute, puis pour tisser un lien, pour ré-unifier l'ensemble au sein d'une durée commune. Faire comprendre qu'on tient *tout* dans sa conscience, que tout s'écrit en moi au fur et à mesure, qu'une fois dites par eux, je retiens leurs phrases, leurs expressions. Car la peur de ces conversations de bar, d'avinés, où tout se perd, où rien ne sert. Peur aussi de l'alcool mauvais qui fait oublier, qui détruit plus qu'il ne construit. Je comprends en cela A. F. et sa crainte du blabla, de la rhétorique faite par goût du Verbe, de la contradiction, du frottement des cervelles entre elles. Rappel sur ma haine du chill, du nihilisme de la conversation d'avinés qui enfile toutes les banalités, les standards du discours de notre génération sans rien *tenter* — donc sans l'espoir d'aucun swing. Ce chill donc, je le hais plus que le verbeux, qui, s'il se déconnecte d'une certaine réalité, s'il nous fait ressembler à Bouvard et Pécuchet, tout au moins nous laisse t-il l'espoir de trouver un rythme nouveau, une intonation surprenante.

La devise de Thomas, très belle, étant de toujours admirer *de trop* les gens, par précaution. De vouloir, longtemps, les mettre en valeur, leur donner l'occasion d'apparaître mieux qu'ils ne sont. Vouloir les porter par le Verbe, les pousser. Et leur permettre d'atteindre avec moi des sommets qu'auparavant ils ne pensaient pas atteindre. Rester donc, en leur mémoire, comme quelqu'un qui puisse les pousser, qui puisse leur donner une confiance en eux, un état non pas "d'être-à-l'aise", mais "de se perfectionner" dans la droite lignée d'Emerson. Egoïstement, je retire plus de plaisir à stimuler Autrui car il me donnera plus, exsangues et épuisés, ils en ressortent essorés mais heureux de s'être ainsi donné face à moi, sans doute "monstre", sans doute "insupportable" mais au moins accoucheur. Quant à ceux qui refusent l'exercice, ie (1) les donneurs de leçons, (2) les requins avares en sincérité ou (3) les déficients mentaux… Laissons-les sombrer.

Revu "The hours" car le souvenir de la scène du "you have to let me go" me hante depuis longtemps. Je fonds en larme, encore une fois, en revoyant la séquence. Lors d'une autre scène, elle répond au malade, "that's what people do, they stay alive for each other".

Begaudeau : "Qu’on se le dise, le génie n’est pas correct. Il est mal léché. C’est un même coup de rein qui l’arrache aux codes techniques, physiques, moraux. C’est la même capacité hallucinatoire qui produit Mort à Crédit et les délires antisémites de Céline. C’est le même pli qui fait inventer un passement de jambe dont les séances vidéo peineront à trouver la parade et oser une main qui échappe à la surveillance arbitrale."