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lundi 30 mai 2011

Films Mai 2011

Cinéma :
Minuit à Paris - Allen **
La ballade de l'impossible *
Pirates de Caraïbes 4 *
The Tree of Life - Malick
Le garçon au vélo - Dardenne *


dvds :
Hot Cat in a Thin Roof - Brooks ****
The Big Sleep - Hawks *
Little Miss Sunshine ***
Retour à la vie - Clouzot (avec Jouvet) **
The Nutty Professor - Lewis ****
La sentinelle - Desplechin *****
Comment je me suis disputé - Desplechin *****
Fin août, début septembre - Assayas ***
In a Lonely Place - Ray **
La chambre verte - Truffaut **
La vie des morts - Desplechin *****
Les Dames du Bois de Boulogne - Bresson *
Heaven can wait - Lubitsch ***
Blue Beard's Eighth Wife - Lubitsch ***
La jument verte *

Critiques de l'instruction publique par Rougemont

A peine capable de nous instruire, l’Ecole prétend ouvertement nous éduquer. D’ailleurs elle y est obligée dans la mesure où elle réalise son ambition : soustraire les enfants à l’Eglise et à la famille. Car il faut bien se représenter qu’elle [l'instruction publique] n’était encore au XVIIIe siècle qu’une utopie de partisans. Il ne serait guère plus fou aujourd’hui qu’on répande universellement et obligatoirement l’art du saxophone ou de la balalaïka. L’instruction publique et la Démocratie sont sœurs siamoises. Elles sont nées en même temps.

La laideur des « collèges » n’est pas accidentelle. C’est celle-même du régime. L’architecture de nos « palais scolaires » symbolise d’une façon frappante ce qu’il y a de schématique et de monotone dans la conception démocratique du monde.

Ils n’en sont pas moins devenus le but même de l’instruction ; la fin justifie les moyens et à quoi l’on subordonne tout, plaisir, goût du travail, qualité du travail, santé, liberté, sens de la justice et autres balivernes, instruction véritable et autres plaisanteries de gros calibre, car à la vérité ce n’est pas d’enseigner qu’il s’agit, mais de soumettre les esprits au contrôle de l’Etat.

La discipline primaire forme des gobeurs et des inertes, fournit des moutons aux partis. Ce ne sont pas seulement les meilleurs qui sont sacrifiés. Voici ce que M. E. Duvillard dit des enfants peu doués pour les disciplines scolaires : « Les épaves scolaires, faute d’un traitement pédagogique approprié, tombent dans une apathie intellectuelle qui les conduit souvent à l’imbécillité et au vice. »

Terminologie et concepts de Husserl

"Noèse", "noème" sont des termes décalqués du grec. La noésis, càd ce que fait le "noûs" (esprit), c'est l'opération de la pensée, c'est donc le côté subjectif. Le noème, c'est ce qui est visé par cette pensée (le "corrélat noématique" ; si je pense, je dois bien penser quelque chose, ce quelque chose, Husserl l'appelle le noème), donc c'est plutôt le côté objectif.

Entre ces deux éléments, il n'y a pas de différence REELLE (ça veut dire : je ne distingue pas deux choses, ici, dont l'une serait la pensée et l'autre la matière, à la façon cartésienne), mais deux pôles d'un même phénomène. Il n'est d'ailleurs pas nécessaire que ce noème soit un quelque chose existant matériellement dans le monde. Par exemple, je peux repenser à mon appartement dont je viens de déménager, dans le souvenir. Le côté noétique (donc de la noèse), c'est le souvenir comme un certain mode de se rapporter à l'objet (auquel je pourrais me rapporter autrement, par exemple dans la détestation, dans l'oubli, dans la crainte, etc), le côté noématique c'est la maison, mais pas comme une chose au sens réaliste, il se peut d'ailleurs que l'appartement ait été détruit depuis, etc., mais comme ce à quoi se rapporte, hors de moi, cette pensée ; elle se rapporte à un appartement ayant existé, dans lequel j'ai vécu, etc.

Ce qu'il importe de comprendre, c'est que le "phénomène" - donc ce que va travailler le phénoménologue - ce n'est pas seulement le côté de l'objet (donc, c'est pas du Kant), mais l'ensemble. Du point de vue de Husserl, ce qui ne suffit pas chez Kant, c'est qu'en gros il réduit le phénomène (Erscheinung) à ce qui est perçu, alors que la perception n'est qu'une manière parmi d'autres de se rapporter à quelque chose, et que les autres manières (la haine, la crainte, le désir et tout ce que tu veux) produisent un phénomène différent. Me souvenir de la maison, haïr la maison, espérer la maison, etc. sont des phénomènes différents. Ce n'est pas seulement le sujet qui change (ses états affectifs), mais l'objet aussi.

En ce qui concerne l'essence, elle ne me semble pas recevoir chez Husserl un contenu différent de celui qu'on trouve chez tous les philosophes depuis Platon.


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La transcendance du monde, cela signifie, comme tu l'as compris, que le monde est hors de moi. Il n'est pas "dans" ma conscience. Ceci permet à Husserl de se débarasser de ce qu'il appelle le "psychologisme" (le monde n'est rien d'autre qu'un état de ma conscience, quelque chose qui est "dans ma tête" puisqu'il n'est pour moi qu'en tant que je me le représente) Eh ben non, il est dehors, sinon ce ne serait pas un monde et je ne peux pas comprendre, avec cette manière de voir, comment je distingue par exemple une perception (d'un objet) et une hallucination. Pour cette affaire de transcendance du monde, je te renvoie au fameux article très saisissant et brillant de Sartre dans Situations 1 sur le concept d'intentionnalité. Transcendant : extérieur à.

Husserl utilise "transcendantal" dans un sens kantien. Le sens que donnaient à ce terme les philosophes du Moyen Age a complètement disparu (je ne l'ai lu chez aucun auteur postérieur à Kant ; on peut donc l'oublier sauf si on veut bosser sur la scolastique, Aristote, etc.). Chez Kant, transcendantal se rapporte aux "conditions de possibilité" de la connaissance. Pour Husserl, il faut faire ressortir que le monde est toujours un monde pour moi, un monde qui se donne à ma conscience, qu'il renvoie à un ego constituant, ego transcendantal, donc. On reste donc avec Kant. Il y renvoie mais il est quand même transcendant. Ce n'est pas pour le plaisir de faire chier que Husserl est très difficile, mais parce que c'est vraiment très difficile...Il faut essayer de penser ces deux choses en même temps.
Le mode d'accès (et c'est peut-être ce que tu entends par "comprendre" l'ego transcendantal), càd la manière de dégager cette sphère du "transcendantal", c'est la réduction phénoménologique. C'est par cette réduction et elle seule que je peux espérer comprendre.


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La conscience, chez Husserl, est transcendantale. C'est pourquoi vous ne pouvez comparer évidence husserlienne (phénoménologique) et évidence cartésienne (ontologique). Chez Husserl, ce n'est plus : je pense, donc je suis, mais : je pense, donc je suis pensant. Évidence apodictique à ses yeux, l'évidence n'est plus chez lui adequatio intellectus rei, car elle n'a pas pour fonction de nous renseigner sur la nature du monde, de nous dire ce qu'il est. Sa fonction est de nous dire qu'il est (expérience du monde), peu importe ce qu'il est.

Schizophrène ou pas, chacun fait l'expérience du monde, indépendamment de la question de savoir ce que cela dit du monde ou de chacun. Ce qui intéresse Husserl, c'est l'intentionnalité de la conscience, laquelle est conscience de quelque chose (la visée de). C'est donc elle qui apporte l'évidence (ou la preuve) du monde en tant qu'il apparaît (phénomène), pas en tant qu'il serait ceci plutôt que cela (ontologie). C'est en cela que la conscience husserlienne est transcendantale.

dimanche 29 mai 2011

Les pseudo-mondialistes sont des français inconnus

En tous cas, ca démontre bien que BHL est bien plus un produit du système franço-français qu’un représentant de l’élite mondialisé. Pas le moins du monde un Juif cosmopolite dans la grande tradition, le BHL, mais une curiosité locale qu’on trouve au Frankistan.

DSK, ce n’est pas un produit du cosmopolitisme juif, mais c’était au contraire, en 1981 un fonctionnaire de l’éducation nationale barbu qui enseignait l’économie à Metz, qui avait une veste en tweed gris caca, qui comptait les pièces et qui fût discrètement muté vers Science-Po Paris parce qu’il était socialiste comme le nouveau Président de la République… C’est un franco-français qui a grimpé l’échelle jacobine en traînant dans les couloirs de l’État jusqu’à ce qu’il soit nommé par un autre président de la République Jacobine à la tête du FMI, qui a fait carrière dans le marigot jacobin du premier jusqu’au dernier jour, de sa miteuse faculté provinciale jusqu’à la chambre d’hôtel du Sofitel avec à l’intérieur sa femme de chambre noire qu’il s’est cru autorisé à violer, qui a fait montre du début jusqu’à la fin de la morgue et l’outrecuidance propre aux gens de l’État.

jeudi 26 mai 2011

Quelques notes sur Heidegger

1) paragraphe 27
La dictature de "on" : on pense tous pareil. On se révolte car on se révolte...
La parole est dictée par le "on". Qui est le "on" ?
La "pensée sérielle" chez Sartre, c'est l'alignement des gens à l'arrêt de bus qui sont à la fois ensemble et séparé.
Je ne suis pas l'auteur de ma pensée, l'auteur est anonyme et autre.
Le "qui" c'est le neutre, c'est le "on".
Le "on" nous décharge de notre être. L'existence est un fardeau.
L'authenticité exige que l'on affronte la difficulté d'exister.
Le divertissement chez Pascal, c'est le fait de détourner le regard des difficultés de l'existence.
La description de l'inauthenticité chez Heidegger. Le bavardage (qui est dissimulateur), la curiosité, l'équivoque. La bavardage, c'est le fait de se noyer de parole pour ne pas voir.
La grande question est celle de l'être, du rapport de l'être et du temps. On passe de qu'est-ce que l'homme chez Kant... à la question : qu'est-ce que le dasein/existant chez Heidegger.

Il rejette l'opposition sujet/objet, c'est la manière de réfléchir de Kant (la connaissance tourne autour de la connaissance, ou l'inverse?). Cette problématique est refusée par Heidegger. Le dasein est un être-au-monde, qui est d'emblée "au monde". Il n'est pas confronté à un objet qu'il perçoit, car cet objet est toujours inscrit dans un ensemble (le monde, les autres). Il n'y a pas "un" sujet, mais "des" dasein. Heidegger refuse don le sujet.
Heidegger n'utilise pas le mot homme, car son souci est de se dégager de la définition de l'homme comme animal raisonnable (c'est le propos de sa Lettre sur l'humanisme).
Heidegger ne veut pas saisir une conscience (comme Husserl), mais un être-au-monde.

2)
Heidegger et la mort. Il innove dans l'histoire de la philosophie.
Sartre est proche du double sens de la fin de la mort : c'est la fin de la vie, mais c'est aussi la fin (comme but) d'une aventure de la vie.

3)
Toute pensée du temps est temporelle elle-même, il n'y a pas surplomb possible. C'est la différence entre être "dans le monde", et être "au monde".
Nous sommes "temps", et pas dans le temps. Nous ne cessons de nous projeter vers l'avenir, de nous souvenir.... pour être présent au monde. Trois "ek-stases", trois dimensions de notre être : nous sommes toujours en avant de nous-même, et en arrière nous-même.
L'expérience du temps courante, c'est adhérer à notre action. Or ce n'est pas la compréhension ek-statique du temps. On y a accès que par la lecture.
Le temps de l'horloge, le temps collectif, c'est aussi le temps d'Aristote ("le temps est quelque chose du mouvement"). Conception inauthentique du temps.
Le temps authentique se définit à partir du dasein.
Le projet d'Heidegger, c'est de traiter de l'être à partir du temps. D'où le titre de son oeuvre.
Il n'y a pas de négativité chez Bergson. Alors que Heidegger est très proche du nihilisme, du négatif, du néant etc.
Chez Bergson, toute conscience est mémoire - privilégie le passé (conception à la Augustin, temps enfermé dans le présent). C'est l'inverse de l'idée de temps depuis Husserl, avec le tout-juste passé et le tout-juste avenir. Heidegger résout le temps à partir en amont de soi, dans le futur proche.

L'origine de le pensée (de toute l'armature de Heidegger) est dans l'affect. Pour expliquer finalement la complexité de l'affectif.
Ce qui abordent le temps en scientifiques n'y comprennent rien. Ils l'abordent comme un temps linéaire et spatialisé.
L'ennui, c'est quand le temps ne passe pas (Phénoménologie de l'ennui, de Heidegger).
Il y a un appel, anonyme. D'où l'ennui, car l'on sait être appelé. Quelque chose me pousse dans le dos, mais "personne" n'appelle. Mais ce "personne" trouve sa nécessité pour beaucoup de penseurs/écrivains dans leurs oeuvres (l'oeuvre n'étant pas que le livre, mais aussi l'entreprise etc.)
Ce n'est pas une entreprise moralisante (conscience morale à la Rousseau), car c'est un appel qui est totalement indéterminé. Et c'est à l'existant (dasein) de le déterminer.
Dans cet anonyme qui nous appel, qui rappelle la finalité sans fin de Kant. La question n'est pas "qui" m'appelle, mais "que répondre". La responsabilité - synonyme de liberté "vraie" - est dans la réponse. La liberté c'est le sentiment qui nous invite à "répondre" à cet appel.
Il y a différentes manières d'être "appelé", par tout et par rien. Cet appel s'unifie progressivement vers une responsabilité de type éthique puis spirituel.

4) paragraphe 42 et 41
Heidegger et le souci. Fable sur le souci. D'abord l'utilisation anté-scientifique qu'utilise Heidegger (il utilise une mythologie sur le partage de l'homme entre Zeus et la Terre).
L'homme est "en souci". Le souci est le terme qui désigne l'être de l'homme. Opposé à la définition traditionnel d'animal rationnel, un animal avec quelque chose de plus. Heidegger rompt avec cette définition de l'homme "composé". Il s'oppose aussi à la "philosophie de la vie" en Allemagne.
L'homme n'est plus un animal (ce n'est pas "l'animal que je suis" d'après Derrida). Mais plutôt de comprendre l'homme comme un existant, en relation avec d'autres choses que lui-même. Plus enfermé dans le sphère de vie, mais un être de relation.
Etre en "souci de", c'est être dans un rapport aux autres. L'homme est un dasein, un existant, et non pas du tout un animal.
Signification existential (ontologique). Le souci est aussi un terme technique, qui désigne cette triade (l'existence, facticité, la déchéance). Il faut penser ces trois éléments en tant que structure ontologique de l'homme en tant que dasein (on traduit "être en souci" par "sorge", qui veut aussi dire "soin").

Etre en souci, c'est être en avant de soi (qui rejoint "deviens ce que tu es"). Nietzsche déjà dit que l'homme est un animal non encore fixé.
L'homme est un être perfectible, changer de goût, déchéance, progrès etc. pour Rousseau. Pour Marx, l'homme se distingue des animaux lorsqu'il commence à produire ses conditions d'existences.
Pour Heidegger, l'homme doit aussi se donner à lui-même sa propre possibilité d'être. L'être de l'homme est possible et jamais fixé.
Sur la notion de perfectibilité, c'est une philosophie des lumières (à la Rousseau donc), qui n'est pas celle de Heidegger. Rousseau pense l'indétermination avec l'idée des lumières, pas Heidegger.
Des manières possibles d'être. Le dasein, ce n'est pas un être qui est, c'est des manières possibles d'être. L'authenticité et l'inauthenticité sont des manières possibles d'être du dasein.
La différence étant qu'il est un ensemble de possibilités, contrairement aux animaux. L'homme assume les possibilités, ou les rejette.
L'autre aspect du "souci" ("sorge" en allemand, et "cura" en latin). Heidegger dit que je suis auprès des choses qui sont là, on doit prendre soin de ce qui est là, et l'assumer en le reprenant dans mon projet.
On accuse Heidegger de ne pas avoir écrit d'éthique. Or l'homme comme souci, implique une éthique, peut être indirectement.

Pour Heidegger, la question fondamentale, c'est la question de l'être et sa signification temporale. Ce n'est pas celle de Sartre, ni des existentialistes français.
Levinas est un penseur de l'extériorité, on trouve cette idée fondamentale : l'être de l'homme est définis par les rapports qu'il a avec l'autre que soi.
On peut tirer de Etre et Temps, toute une idée de l'homme qui ne va pas dans le sens du nazisme. L'idée que l'homme est un être de relation, qu'on ne peut pas expliquer en partant de la biologie. L'homme n'est pas séparable du lien lui-même.
L'intérêt de Etre et Temps souligne que l'homme n'est pas biologique, l'homme est une tâche, l'homme à a être. C'est l'antipode de l'idéologie nazie.
Heidegger, comme Bergson et Nietzsche, traversent une époque très imprégnée du positivisme du XIXe siècle. Epoque qui vient après l'effondrement de l'idéalisme allemand. D'où la nécessité pour Heidegger d'élaborer une nouvelle écriture (difficile) pour dire des choses nouvelles.
La sollicitude qui libère et celle qui enferme.
La réflexion sur le mot être va à l'encontre des anciennes définitions. L'être n'est pas indépendant du "soin" qu'on lui apporte.
L'homme comme berger de l'être : c'est que l'homme est celui qui prend soin de l'être. Pour qu'il y est être, il faut que l'homme prenne soin. Il y a un souci des choses "préoccupation" (animal dépourvu d'arme naturel, le côté marxien). L'autre côté du souci, c'est le fait de prendre soin de l'autre existant/dasein. C'est là où Heidegger dit des choses si essentielles qu'elles sont reprises par des psychiatres.

Le thérapeute ne prend pas la place du malade, mais lui donne la possibilité par l'aide qu'il apporte, que le patient prenne en charge lui-même ses difficultés.
Le souci de l'autre est-il dicté par le fait d'être au monde? Le danger est de reprendre l'opposition égoïsme/altruisme. Heidegger a une plus grande ambition. Le "souci" est toujours souci de soi et de l'autre. Il n'y a pas à choisir entre "moi" et "non moi". On ne peut pas se soucier seulement de soi, on ne peut pas faire sécession. Ca n'est pas possible car l'homme est un être exposé, il n'y a pas d'égoïsme possible. Je ne suis pas d'abord là, mais je suis d'abord essentiellement dans la relation aux autres que moi.

mercredi 25 mai 2011

Sur la métaphysique de Badiou

Prompt à marquer ses inimitiés, Badiou adopte également une lecture polémique de l'histoire de la philosophie. Il y repère régulièrement des grands affrontements ou encore des « lignes de front ». Un front inaugural oppose Platon et Aristote. L'aristotélisme est encyclopédique et rejette la question de la vérité au profit du savoir sous toutes ses formes (du savoir logique, qui passe par l'analyse du langage, au savoir physique et biologique, qui s'intéresse aux conditions de l'expérience sensible) ; Platon, lui, s'intéresse aux Idées et aux Vérités. Un deuxième front apparaît à l'époque classique, avec le conflit entre le scepticisme de Montaigne et le rationalisme de Descartes et des cartésiens systématiques (Spinoza, Leibniz, Malebranche). Un troisième front survient dans l'Allemagne des XVIIIe et XIXe siècles : la ligne de fracture passe entre le système critique de Kant (qui conserve des traits aristotéliciens et sceptiques, avec l'idée notamment que la connaissance est limitée) et le système dialectique de Hegel.

(...)

Il se range résolument du côté de Platon, Descartes, Hegel, des philosophes préoccupés par la vérité. À l'inverse, le cauchemar de Badiou tient à l'alliance sans cesse faite et défaite entre les doctrines du savoir (plutôt que de la vérité), le scepticisme, l'autolimitation de la connaissance, une certaine religiosité et le refus de l'Idée. Certains de ces ennemis forment le cortège de ce que Badiou appelle, en reprenant un thème de Lacan, « l'antiphilosophie ». Elle se manifeste aussi dans la tradition socratique antiplatonicienne ou chez Pascal, auteurs qui manient l'ironie envers la métaphysique et se moquent de la prétention à forger un système, comme plus tard chez Kierkegaard ou Wittgenstein, qui assimile la philosophie à une pratique et non à une théorie. Il y a chez Badiou une lutte permanente contre cette antiphilosophie, mâtinée de fascination pour sa puissance littéraire.


(...)


La thèse centrale de Badiou est que l'ontologie se confond avec les mathématiques, seul discours recevable sur l'être. Pour le dire autrement, le réel est tout à la fois mathématisé (structuré par les mathématiques) et mathématisable (connaissable au moyen des mathématiques). Ainsi, Badiou règle le problème du statut des objets mathématiques (s'agit-il d'idéalités, d'abstractions, de constructions ?) : ces objets ne sont pas seulement réels, ils sont le réel. D'autre part, Badiou radicalise et élargit en un sens la célèbre affirmation de Galilée : « La nature est un livre écrit en langage mathématique. » Pour lui, les mathématiques sont le vrai savoir de l'être et la philosophie pratique une méta-ontologie, un discours sur les mathématiques, qui les révèle à elles-mêmes. Un premier problème surgit : de quelles mathématiques parle-t-on ? C'est ici qu'intervient un second positionnement fort de Badiou, qui lui est souvent reproché par des épistémologues : lorsqu'il pose l'équation « ontologie = mathématiques », il se réfère à un domaineparticulier de la discipline scientifique, à savoir la théorie ensembliste de Cantor et Dedekind, jusqu'à sa formulation dite « standard » par Zermelo et Fraenkel.

Le terme fondamental ici est celui de multiplicité : Cantor cherche en effet à élaborer une théorie mathématique du multiple et Badiou la transpose, tout en l'adaptant, dans le domaine de l'ontologie. Il en résulte une nouvelle thèse : « L'Un n'est pas. » Il ne faut pas raisonner à partir de substances, de principes (l'Un, Dieu…) ou d'unités primordiales (par exemple, les atomes) dont la combinaison aboutirait ensuite à la formation de multiplicités. Le processus est inverse. « L'Un n'est pas » signifie que l'Un n'est rien d'autre qu'un concept « opératoire », une sorte de produit qui s'élabore à partir d'une « matière première » préalable, qui est le multiple.

Un ensemble est une réunion d'objets mathématiques sélectionnés grâce à une propriété,par exemple l'ensemble des nombres pairs, qui sont des multiples de deux. Au début des années 1880, Georg Cantor met au point la théorie des ensembles. Dans cet édifice mathématique radicalement novateur, le multiple est roi : on peut y construire une infinité d'ensembles (finis et infinis), les imbriquer (par réunion, intersection ou différence), les comparer. Ce sont Zermelo et Fraenkel qui donnent à la théorie des ensembles une axiomatique rigoureuse, en définissant leurs propriétés de base. L'ensemble vide y est fondamental : ne contenant aucun élément (à l'image d'un sac vide), il est la première brique nécessaire à la fabrication de tous les autres ensembles. On le retrouve au coeur de l'ontologie de Badiou, qui fait de l'ensemble vide « le nom propre de l'être », l'être dans son sens exact, minimal. Si être, c'est être un ensemble, il est alors possible d'appréhender le multiple sans le référer à l'un.
 

(...)


Chez Badiou, un mot désigne ce qui empêche le Tout de se constituer, ce qui l'excède et l'ébranle pour toujours : l'événement, soit le second régime du système, qui échappe à l'ontologie, force ou fend l'être. L'ontologie de Badiou est donc soustractive : l'événement est ce qui se soustrait à l'être, puisque l'être, qui est multiple, est structuré de telle façon que quelque chose en lui le dépasse toujours. À proprement parler, l'événement n'est pas : il arrive, il a lieu, il fait irruption. Il est par essence imprévisible, irréductible à toute connaissance anticipatrice.

Badiou peut rassembler sous le même nom d'événement une foule d'exemples concrets. Ils renvoient aux quatre « conditions » ou ordres de la philosophie : l'amour, la politique, la science, l'art. Dans l'ordre de l'amour, une rencontre imprévue est un événement. En politique, des séquences mouvementées qui créent une brèche dans l'Histoire sont des événements. En science, la fondation ou les extensions d'une discipline sont des événements. En art, enfin, toute oeuvre qui bouleverse les canons d'un champ esthétique fait événement.

samedi 21 mai 2011

Sur l'affaire DSK - mai 2011

Je me suis d’abord dit qu’il était fou. Mais en fait, nous avons peut-être au contraire une anti-affaire Dreyfus planétaire, voire une « affaire Dreyfus à rebours », je ne sais pas trop comment le dire.
Ca n’est plus la « droite » qui complote pour faire d’un juif innocent un coupable, mais la « gauche » qui complote pour tenter de faire d’un juif coupable un innocent.
Ca n’est plus la « droite » qui utilise l’antisémitisme pour forcer la culpabilité d’un juif innocent, c’est la « gauche » qui (risque) d’utiliser l’antisémitisme pour forcer l’innocence d’un juif coupable.

Je remarque qu’avant les black swanns l’Histoire est floue, j’avais depuis un moment la sensation que nous étions devant un « mur de l’Histoire », on pressentait que les choses allaient basculer mais il était impossible de savoir comment.

Si la condition des femmes s’est à ce point dégradée en France, ce qui je crois est vrai mais de façon très inégale, c’est à cause du gauchisme, de l’islam, des chansons de rap et de la désoccidentalisation de ce pays. C’est pour cela que Jean Daniel spontanément dit que les USA sont une autre civilisation, sauf que ça fonctionne à l’envers de ce qu’ils croient: nous nous barbarisons, ils le voient et vont nous le faire de plus en plus comprendre, et cet âne de Jean Daniel croit que c’est nous sommes aux commande et nous éloignons à dessin des Américains puritains et archaïques.

La définition du complot par Taguief:
« Les théories du complot, sommaires ou élaborées, perdurent, car elles permettent à ceux qui y adhèrent de donner un sens à un monde qui, sans elles, leur serait insupportable. »

mercredi 18 mai 2011

Citations de Gustave Le Bon

Si la science arrivait à découvrir un thermomètre des sentiments, des passions et des volontés, la conduite de l’homme dans une circonstance donnée serait aussi facile à calculer que la trajectoire d’une planète.

Une des grandes causes de faiblesse des peuples latins tient à ce que tout leur personnel dirigeant est issu d’examens universitaires prouvant la mémoire des candidats, mais nullement les qualités de caractère qui font la valeur de l’homme dans la vie.

En imposant à tous les élèves une instruction identique, on obtient un minimum de rendement avec un maximum d’effort.

Une des erreurs latines qui ont le plus pesé sur la vie de nos colonies fut de croire que l’instruction classique permettait de franchir rapidement les étapes séparant la barbarie de la civilisation. (ICI, IL FAUDRAIT PENSER AUX THEORIES DE N. ELIAS SUR L'INCORPORATION CORPORELLE DES SENTIMENTS ET DES CONDUITES HUMAINES : ECONOMIE DES PULSIONS INCONSCIENTES)

Un système quelconque d’instruction ou d’éducation est parfait s’il réussit à créer des automatismes inconscients utiles. L’intelligence possède alors desdociles prêts à exécuter ses ordres. Mal dressés, ils ne les exécutent pas.

Les habitudes inconscientes ont une force que ne possèdent jamais les principes.

Perdue dans les rouages complexes des civilisations modernes, enveloppée d’effets dont les causes lui échappent, la foule attribue forcément à des volontés parti- culières les événements dont elle ne peut saisir les lois. Ses révoltes n’ont souvent pas d’autres causes.

La contagion mentale peut se produire sans l’intervention personnelle d’un meneur. Un mot, une formule, un courant d’opinion suffisent parfois à suggestionner une multitude.

La mentalité grégaire des foules permettra toujours aux meneurs d’imposer une doctrine quelconque. Les plus absurdes croyances ne manquèrent jamais d’adeptes.

Les découvertes individuelles transforment les civilisations. Les croyances collectives régissent l’histoire.


Si la publicité des journaux constitue un moyen de persuasion très efficace, c’est que peu d’esprits se trouvent assez forts pour résister au pouvoir de la répétition. Chez la plupart des hommes elle crée bientôt la certitude.

La presse canalise l’opinion beaucoup plus qu’elle ne la dirige. Elle sert aussi à enser en termes nets des milliers de petites opinions fragmentaires trop incertaines pour être clairement formulées.

Si les peuples sont souvent déçus par leurs gouvernants, c’est qu’ils leur demandent de réaliser le meilleur, alors qu’un homme d’État ne peut réaliser que le possible.

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Rôle des Dieux :

L’histoire des peuples est dominée par celle de leurs dieux. Dans les temps modernes cette domination est restée aussi grande, mais les divinités ont changé de nom. Elles sont remplacées par des idées et des formules auxquelles leurs adorateursattribuent la même puissance qu’aux anciens dieux.

Aucun peuple ne vécut sans dieux. L’usure du temps, et non la raison, quelquefois les renverse, mais leur trône ne reste jamais vide. Le paganisme usé fit place au Christianisme, qui, usé à son tour, tend à être remplacé par la foi socialiste.

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Les opinions et les croyances :

Aucune foi n'est durable si on la dépouille des éléments fixes qui lui servent de soutien. Un Dieu sans temples, sans images, sans statues, perdrait bientôt ses adorateurs. Les iconoclastes étaient guidés par un instinct très sûr en brisant les statues et les temples des divinités qu'ils voulaient détruire. (OU COMMENT LA MEDIOLOGIE ET G. LE BON SE RENCONTRENT !!)

mardi 17 mai 2011

Sowell sur les noirs américains

Sowell explique que les Noirs américains se répartissent en trois grands groupes culturels : ceux dont les ancêtres étaient des esclaves dans le Nord, et ont été libérés bien avant la guerre de Sécession, la majorité des Noirs américains qui descend des esclaves du Sud et un troisième groupe qui a émigré en provenance des Antilles. Ceux issus de l’immigration, des gens comme Harry Belafonte et Colin Powell, sont aussi instruits et prospères que les Américains blancs. Sowell utilise cet exemple pour montrer que les traits culturels sont plus importants pour comprendre la situation économique des Noirs que le racisme ou l’absence de racisme.

Selon Sowell, après avoir souffert de l’esclavage, les noirs ont été les cobayes des expérimentations sociologiques du XXème siècle : emplois assurés, santé surveillée, hébergement bon marché, intelligences prises en charge par l’école publique et les programmes sociaux pour jeunesse à risque. Le problème, c’est que tous ces programmes d’assistance sociale se sont soldés par un échec retentissant. Certes, la politique d’« Affirmative Action » a été une aubaine pour les noirs qui étaient déjà intégrés et en particulier pour ceux qui étaient riches. Mais elle n’a rien fait pour les noirs qui sont au bas de l’échelle.

mardi 10 mai 2011

Idéologie globale articulée à un système mythique

Une citation de Louis Moreau de Bellaing :
« Nous appelons idéologie globale, la représentation sociale d’un phénomène culturel. Mais nous ne désignons une représentation sociale comme idéologie globale que si elle s’articule à un système mythique. L’idéologie paternaliste ou l’idéologie égalitaire sont de ce type. »

samedi 7 mai 2011

La bombe nucléaire, le maître et l'esclave - Xp

En 1945, quand ils ont  balancé leur bombe sur Hiroshima, les américains  ont  administré une leçon de philosophie majeure à l’humanité.
Ils l’ont engagé dans une révolution anthropologique, et les philosophes qui ont parlé dans les soixante années suivantes n’ont pas compris ce qui s’est passé… Avant Dresde et Hiroshima, avant la Révolution, on  croyait encore que l’honneur et le courage ne pouvaient se jauger que dans les tranchés. Avant Dresde et Hiroshima, tous le monde croyait à la règle du Maitre et de l’escave explicitée par Hegel selon laquelle le Maître l’est devenu en mettant sa peau sur la table, tandis  que le tour de l’esclave vient quand il est mûr pour  le sacrifice.

Dans nos écoles aussi, nous ne voulons pas que nos petits geeks se créolisent en échangeant des beignes avec des africains issus de l’immigration, que le le petit civilisé doive en quelque sorte rendre hommage au petit barbare en descendant de l’avion, en passant ses récrés à se battre plutôt que de lire Montaigne.
Ben Laden était un imbécile, un type qui raisonnait mal, comme Régis Debray, comme  un vulgaire conservateur occidental qui en est resté à Hegel et à Kojève… Il avait dit aux occidentaux nous vaincrons parce que nous aimons plus la mort que vous aimez la vie pour sous-entendre que nous perdrons parce que nous préférons la vie en esclavage à la mort héroïque du combattant…. Non seulement l’occidental d’après 1945 l’a tué, mais il l’a jeté à la Mer comme un cleps.


Régis Debray avait écrit un bouquin confondant de bêtise sur le terrorisme islamique et le 11 septembre, dans lequel il expliquait que l’occidental ne voulant plus mourir, il était destiné à perdre et devenir l’esclave des musulmans, eux qui sont encore animés par une Foi…. Bref, le devoir d’un étudiant en première année de philo qui plaque bêtement ses lectures sur l’actualité.
Je précise: Ce qu’Hegel avait démontré, c’est que le Maître, c’est celui qui est prêt à sacrifier sa vie, qui considère que ça va de soi, tandis que l’esclave est celui qui refuse d’envisager cette éventualité, qui place la survie au dessus de tout autre considération, qui demande des garanties, et qui en échange accepte de sacrifier sa liberté.
Or, ce qu’on a pas bien compris, c’est que cette donne, philosophiquement, ne va pas de soi…Qu’il n’y a aucune raison, moralement, pour qu’il faille choisir entre la liberté et la vie… Que ce chéma n’était dicté que par les circonstances, qu’il n’est pas le fruit d’une logique immuable, et l’homme, cet animal spéculatif et métaphysique, allait oeuvrer pour rompre le processus…


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le grand intérêt et qui devant Dieu justifie peut être bien le massacre de tant d’innocents et la lente agonie de tant de gens dans des circonstances atroces, c’est que le monde a VU ce que serait une guerre atomique. Nous devons peut être la paix mondiale à Hiroshima.Presque certainement, même.

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Les Japonais et les djihadistes raisonnaient comme la totalité des peuples non-Occidentaux, comme nos racailles de cité. Ils pensaient que l’intimidation était un moyen d’éviter la guerre en établissant un ordre de préséance. Qu’une démonstration de force (Pearl Harbour, le 11 septembre), était suffisante pour terrifier l’adversaire et le faire demander la paix. Les Occidentaux ne raisonnent pas de la sorte. La démonstration de force est perçue comme déclaration de guerre totale et absolue nécessitant l’éradication de l’ennemi. Quitte à envahir un pays situé à 12000 Km du Texas ou tuer 250 000 personnes dans la foulée. Au fond nous sommes beaucoup plus obsessionnels et fanatiques qu’eux et c’est cela qu’ils ne réalisent pas.

vendredi 6 mai 2011

Typologie des héros du polar

L’enquêteur cérébral comme Poirot pense que derrière des apparences anarchiques, la réalité est logique et carrée. C’est pour cela qu’il cherche d’abord à reconstituer la réalité, sans perdre son temps à redresser une scène de crime confuse.
L’intuitif comme Maigret croit que tout est illogique dans une affaire, sauf le coeur humain. Il va donc s’imprégner du milieu du crime, pour atteindre un état d’empathie avec le meurtrier.
Le savant comme Sherlock Holmes croit que tout est logique, dans la scène de crime comme chez le meurtrier. une observation minutieuse va lui permettre de restituer l’enchaînement des causes qui a conduit au neurtre.
Le cogneur comme Marlowe pense que rien n’est logique ni intelligible. C’est le plus sceptique de tous. Il va se jeter dans le désordre de l’action pour que le forfait se résolve en direct devant ses yeux.

mardi 3 mai 2011

Philosophie de Cavell par Paola Marrati

La photographie n'a pas tuée la peinture dans sa quête de la ressemblance avec la réalité. La peinture tentait depuis longtemps de dépasser la ressemblance. En outre, la photographie est obligée d'être représentative quand la peinture est libre.
La réalité mécanique du cinéma n'est pas subjective. Le monde du film est vu, pour ainsi dire, de l'extérieur. Grâce à la caméra, je peux voir le monde à partir du dehors, échapper à mon intériorité pour atteindre le monde tel qu'il est. C'est le monde lui-même - incontaminé par notre regard.

Tout ceci rejoint l'obsession de la réalité, et le difficile rapport au monde, à notre intériorité. La modernité chez Heidegger, c'est le sujet qui devient spectateur (mais qui calcule, donc le terme de spectateur ne convient pas) du monde. Pour le sujet, le monde est à portée de main. C'est l'Etre qui s'éloigne avec la modernité. Le sujet a besoin de sortir de soi avec la crise de la modernité, pour s'ouvrir à l'Etre.

Chez Cavell, la modernité amène la hantise du scepticisme chez le sujet : la quête de la certitude du savoir et de la maîtrise technique ne se sépare pas de la hantise que la réalité soit à jamais inapprochable. Le problème de l'existence dans le monde, et avec les autres - le problème sceptique - n'aura pas de solution définitive. C'est le sentiment ou la crainte de ne pas être en présence de al réalité qui produit le désir obsédant de réalité.
Le monde d'un film défile sur l'écran, il s'offre ainsi au regard d'un spectateur qui reste invisible. Le cinéma nous permet de regarder le monde sans être vus. C'est le désir de voir le monde lui-même, sans médiation. Ce que la philosophie moderne semble nous interdire - à la fois chez Kant, Locke, Hume, Marx ou Nietzsche)... qui nous interdisent d'imaginer un monde objectif, hors de notre subjectivité. Il y a une revanche du cinéma contre la métaphysique.
Le problème de cette "revanche" étant que ce monde qu'on voit sans être vu, nous en sommes exclus. Ce qu'on voit sur un écran, ce ne sont pas des représentations subjectives mais des transcriptions automatiques de la réalité... je vois un monde dont la réalité extérieur n'est pas en doute, mais qui ne me donne pas prise. C'est un monde dont je ne fais pas partie. Je rêve de sortir de ma subjectivité, le regard d'en dehors du monde qu'offre le cinéma ne me satisfait qu'à moitié. A jamais ce monde sera vu devant moi, hors de ma portée.


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notes tirées de l'article de Paola Marrati dans "A quoi pense le cinéma?". revue du collège international du philosophie.