samedi 18 juillet 2015

Chronique V

Depuis quand, au cinéma, les spectateurs comprennent-ils l'enjeu de la fiction ? Il a existé une époque où les spectateurs, trop peu habitués au cinéma, interpellaient les acteurs à l'écran pour les prévenir d'un danger, par exemple. L'avalante des making-off, depuis les années 1980, participe de l'intelligence des spectateurs, qui, désormais, connaissent le fond vert. La connaissance du "fond vert" dans le cinéma n'a peut-être pas d'équivalent dans la littérature ? Quel est l'équivalent d'un dernier plan comme celui de "Chiens errants" qui dure 15 minutes, où deux acteurs regardent hors-champs sans ne rien faire, mis à part fumer ou pleurer, vers la fin. Que signifie l'extrémisme d'un tel plan, d'une si grande exigence finalement pour les spectateurs qui sont là confrontés aux limites de la fiction ?

"Croire en" pour une transcendance. En revanche, "croire à" quelque chose d'immanent. On dit : croire en Dieu, croire en la justice. En revanche, croire au monde. Seul Deleuze dit, il faut croire en le monde, pour marquer le fait que du réel, on y croit autant qu'un autre concept transcendant, pas plus.

Pasolini. Le montage, sur le matériel d'un film, effectue la même opération que la mort sur la vie. Le montage est l'introduction de la cause dans le cinéma, comme dans le réel. Y a t-il des choses plus essentielles que "le cinéma" comme la justice ou la liberté ? Et qu'est-ce que cela veut-il bien dire ?

Angst est un signe d'authenticité, de répudiation du "on" heideggerien. Angst est ce qui rend problématique, digne de question, notre être-au-monde.

Peter Pan.
"La plupart des hommes atteints du syndrome de Peter Pan avait eu un père absent, fuyant ou dévalorisé. Dans de nombreux cas, la mère doit porter toutes les responsabilités de la famille. Or, cette mère n’aurait pas été assez forte et aurait cherché de la confiance en elle-même auprès de son enfant. L’enfant se retrouve alors dans un rôle qu’il n’est pas en mesure de remplir et ne peut se construire de manière stable. Le traumatisme sera d’autant plus violent que l’enfant est précoce intellectuellement."
"Les enfants l'intéresse car il pense pouvoir se nourrir de leur substance de vrais enfants."

Un homme, qui ne peut aimer aucune femme, disait qu'il sentait la présence de sa mère partout. Alors qu'elle était morte, il avait l'impression qu'elle était derrière la porte. Une telle mère ne peut que barrer la route de l'amour, car le fils doit lui résister. La naissance d'un bébé, la mort d'un père, peuvent tout désorganiser pou run enfant et lui faire perdre le sentiment de sécurité qu'il a d'abord connu. Alor, pour retrouver une parce, il est souvent tenté de prendre celle de ses parents.

David Foster Wallace. Both Flesh and Not: Essays:
« The best metaphor I know of for being a fiction writer is in Don DeLillo’s Mao II, where he describes a book-in-progress as a kind of hideously damaged infant that follows the writer around, forever crawling after the writer (i.e., dragging itself across the floor of restaurants where the writer’s trying to eat, appearing at the foot of the bed first thing in the morning, etc.), hideously defective, hydrocephalic and noseless and flipper-armed and incontinent and retarded and dribbling cerebrospinal fluid out of its mouth as it mewls and blurbles and cries out to the writer, wanting love, wanting the very thing its hideousness guarantees it’ll get: the writer’s complete attention. »

L'intérêt des personnages qui aiment 'de trop'. Une femme pardonne trop à son homme. Deux amis de longue date se séparent, bien plus tard l'un d'eux éprouvent toujours un sentiment love/hate très fort.

Jackie Pigeaud. La poésie du corps.
Proximité du mélancolique et du narcisse : refus de se voir soi-même, le mélancolique est sans extériorité, ne peut se séparer de lui même. Refus de poser le monde extérieur hors de soi, de le dégager de soi-même.
Le cerveau est un viscère qui produit de la pensée, comme l'estomac et les intestins opèrent la digestion. Le cerveau digère elles impressions, il faut organiquement la sécrétion de la pensée.
Une femme raconte qu'elle ne se sent bien à l'intérieur qui si l'extérieur est symétrique. Lorsqu'elle s'abime un genou, elle s'auto-mutile et écorche l'autre genou. Cf. l'analyse de Bichat sur le rapport extérieur / intérieur et le souci inné de l'homme pour la symétrie (qu'on ne trouve pas à l'intérieur de l'homme alors que celui-ci recherche cela à l'extérieur).
Il y a une modification du pouls selon les âges de la vie. Le corps construit à partir des lois de la musique. Considérer le corps animal comme une machine musicale avec ses tons, ses accord, sa résonance et son timbre particuliers. Le dieu de la musique était honoré comme le dieu de la médecine. Il y a dans la formation d'un corps, la formation à un certain rythme.

Titre : Aide à la maturation de projets innovants

Difficile de surmonter le traumatisme de la naissance.

Un angel à Paris :
Un mélange de naïveté et d'une profonde connaissance du milieu financier, des insights à avoir sur les trends contemporaines dans la tech et ailleurs. Sentir que le type bouillonne, en face, qu'il a des idées, des choses passant par la tête ; sans qu'il n'arrive à aller vite au point névralgique. Il donne ses propres définitions de termes génériques, geek / nerd, startup / unicorn et beaucoup d'autres. Analytique quant à soi-même, est-ce un manque de finesse psychologique, ou est-ce une certaine 'stupidité' qui lui fait dire des sottises avec un esprit de sérieux gênant. Il ne voit pas à qui il s'adresse ; il pose peu de questions. Je suis au spectacle devant lui, il donne des insights, des pistes ; je comprends qu'il a rencontré et est écouté avec attention par des gens autrement plus important que moi. Il me parle des gens qui le reçoivent à l'éducation nationale, de Bruxelles, de  la Défense etc. Je ne cesse de me demander quel effet peut-il bien leur donner — car j'imagine très aisément la façon dont certains le méprisent au premier abord dans la façon qu'il a d'affiché si fortement son succès, sa désinvolture insoutenable de vulgarité, à certains égards — mais il me plaît, dans son immanence, dans son coté 'roc' et affranchi de toute tutelle. L'homme devant moi est un grand solitaire, et nous devons nous serrer les coudes, entre gens de cette race-ci, pour s'attaquer aux autres, au troupeau d'hommes méchants et lâches — car ici-bas c'est la Guerre.
Millionnaire à 28 ans, il revend sa quatrième entreprise en 2008. Il commence à devenir angel dans les années 2011-12 à Paris. Ses parents travaillent dans la tech, chez IBM, de très gros postes. (Mais son père n'est pas la personnalité publique qu'on connait sous le même nom que lui.) Un peu de new-age, parfois, sur les bons ressorts pour lancer une startup (ie ne pas se lancer avec de l'analyse stratégique, il se moque des HEC, mais se lancer avec une compétence et de l'envie).
Aucun conseil sur la stratégie à mener, ou sur les bonnes pratiques d'entrepreneuriat à mener, à avoir. Seule remarque : ne pas se dévaloriser face à un investisseur. Je lui parle de la taille de notre marché, il me parle du livre comme fétichisme, de la tendance récente de la ‘raffinerie de contenu' faisant suite à l'ère de la production de contenu par la multitude. Il se compare à Colin, “il est comme moi, il catégorise et a des insights sur le long terme”. Il se décrit comme sur-efficient. Il explique qu'il est dyslexique et qu'il a du mal à lire, qu'il comprend donc très bien les problèmes de typographie. Il me dit, “j'ai commencé à lire sur mobile car je n'ai pas de rapport fétichiste au livre comme objet”. Il me parle de deux jeunes associés qu'il finance, ils ont construit une startup dans la musique, qu'il a aidé car les deux associés ont fait de la musique ensemble, puis un label, puis désiraient se lancer avec une vraie Foi en leur projet.
Il parle des fondations de la lecture, de l'information ; de la façon dont on récupère et partageons de l'information est sous-jacente à la société occidentale. Il dit “c'est déjà un bon début, de s'attaque à un problème mettant en jeu quelque chose de théologique, de sacré pour les sociétés occidentales”.

Le libéralisme comme accumulation de l'auto contrôle. Chez les primitifs la Cour imite le roi dans ses moindres gestes. Tout est extériorisé. Après le protestantisme comme norme extérieure de l'incitation à l'entreprise, l'âge des entrepreneurs où l'incitation est incorporée. Le libéralisme est l'incorporation de la Police en chacune de nous.

Canetti.
Le pouvoir s'exerce assis, debout ou allongé.

J'aime l'idée de créer une marque. Ou plutôt, de créer un 'pilier' fédérateur d'un style - au sens le plus large. De la même façon que Woody Allen ou Linklater, que Nabe ou Foster Wallace servent de pilier par rapport auxquels nous autres s'identifient. Ils drainent dans leur 'nom' un vecteur culturel, et c'est en les utilisant comme des hashtags de ralliement que l'on trouve ses frères humains. Voilà donc le but, faire se rallier certains autour de mon nom. L'artiste n'est rien d'autre qu'un créateur de lien humain.

La Dispute, Pascal Engel
Tout ce que Quine, Kripke, ou Wittgenstein disent ici n’est pas autre chose que ce que Derrida nous a appris depuis longtemps. Aucun signe linguistique ne s’interprète lui-même, parce que tous les signes sont itérables et « diffèrent » de leur sens. Il n’y a pas de présence pure du sens. Il nous échappe tout le temps. C’est la différance et la déférence du sens, qui tient à la distinction entre la parole et l’écriture.
Dès les années 50, deux conceptions majeures étaient en présence : d’un côté le behaviorisme, qui assimilait les états mentaux à des dispositions au comportement, de l’autre la « théorie de l’identité esprit-cerveau », qui les identifiait à des types d’événements neuronaux.

David Grabber
Recall here what Smith was trying to do when he wrote The Wealth of Nations. Above all, the book was an attempt to establish the newfound discipline of economics as a science. This meant that not only did economics have its own peculiar domain of study
We are born under a load of obligations of every kind, to our predecessors, to our successors, to our contemporaries. After our birth these obligations increase or accumulate before the point where we are capable of rendering anyone any service. On what human foundation, then, could one seat the idea of “rights”
Tell people they are inferior, they are unlikely to be pleased, but this surprisingly rarely leads to armed revolt. Tell people that they are potential equals who have failed, and that therefore, even what they do have they do not deserve, that it isn’t rightly theirs, and you are much more likely to inspire rage.
At one point someone asks an imaginary Priest of Positivism what he thinks of the notion of human rights. The priest scoffs at the very idea. This is nonsense, he says, an error born of individualism. Positivism understands only duties.

Foster Wallace
I don’t think. Just that TV and the commercial-art culture’s trained it to be sort of lazy and childish in its expectations. But it makes trying to engage today’s readers both imaginatively and intellectually unprecedentedly hard

Deleuze
C’est que le milieu n’est pas du tout une moyenne, c’est au contraire l’endroit où les choses prennent de la vitesse. Entre les choses ne désigne pas une relation localisable qui va de l’une à l’autre et réciproquement, mais une direction perpendiculaire, un mouvement transversal qui les emporte l’une et l’autre, ruisseau sans début ni fin
La violence, on la trouve partout, mais sous des régimes et des économies différentes. La violence de l’empereur magique : son nœud, son filet, son « coup une fois pour toutes »… La violence du
L’arbre impose le verbe « être », mais le rhizome a pour tissu la conjonction « et… et… et… ». Il y a dans cette conjonction assez de force pour secouer et déraciner le verbe être.

L'histoire d'un blogger très connu à la Maria Popova, qui reçoit des emails automatiques de consultants et publicists avec des noms génériques, ou des “dear blogger”.

Debray.
Les révolutionnaires apprennent à lire aux paysans. C'est finalement proche des missionnaires d'antan. Et finalement ils amènent la modernité capitaliste en croyant éduquer les illettrés.
Les révolutions prolétariennes ont créé des bouleversement que le Reich ou l'URSS n'ont pas su instaurer. La Commune et la décolonisation. Se rappeler que Cuba ou le Viet Nam furent libérés avant une poignée de prolétaires armés.
Le Che tente de répliquer le modèle de la révolution cubaine ailleurs, en Afrique et Bolivie. Mais les conditions ne sont pas aussi clémentes qu'à Cuba pour qu'un guérilla puisse marcher. La forestation même diffère trop.