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jeudi 15 décembre 2016

Sci Fi

1 - L’hypocrisie d’un homme. Non pas le mensonge, mais l’hypocrisie, il attire l’intérêt car prépare de grandes choses mais in fine ne fait rien. Un témoin le sait, mais il ne peut rien dire car il détruirait le mythe. Le témoin voit que, même si rien ne sera fait, la « croyance » ajoute un genre de bonheur à la vie des croyants. Faut-il agir ou non ? A partir de quand est-ce de l’aliénation et faut-il se donner le droit de venir « sauver autrui malgré lui ».

2 - Un homme du futur doit s’occuper d’une teen américaine pour amener un genre de futur idéal. Conversation métaphysique, mais surtout pop-culture, entre l’ado et le sauveur du futur. La teen accepte d’être une élue, au début, puis refuse. Un genre de Lolita en mode sci-fi. Il doit prouver à un esprit post-moderne qu’il y a du sacré, de la verticalité, que « des choses comptent » et que l’Histoire avance. Elle, parce qu’elle est post moderne, est dans un relativisme / pragmatisme / scepticisme radical face à tout ce qu’il raconte, à toutes ses thèses rocambolesques. Elle demande des preuves. Elle dé-monte ses arguments.

3 - Un débat entre les Grands Sages du futur, avec une machine à remonter le temps à disposition. Ils se demandent : à quand faut-il remonter pour changer le passé, et donner aux hommes le bonheur éternel bien plus tôt que ce fut le cas dans la première version de l’Histoire. Faut-il infliger aux hommes « un peu de temps » de souffrance pour qu’ils sachent, à jamais, à quel point la vie fut dure avant l’arrivée de la Science (la Singularité) ?

4 - Une femme préfère son nouvel amant à l’enfant qu’elle a eu avec un autre. Elle tue le second pour profiter du premier—en secret de l’homme. Une histoire d’amour qui ne marche pas à cause d’un enfant, car l’homme fréquente la femme qui doit s’occuper de l’enfant. La femme aime tellement le nouvel amant qu’elle va tuer l’enfant. Elle doit le tuer, car s’il elle l’abandonne, plus tard l’enfant les retrouvera, demandera une explication et la mère se sentirait trop coupable.

5 - Un personnage, plutôt rationaliste à la base, est le témoin d’un Miracle. Le narrateur ne sait pas comment réagir, au début il est dans le déni, puis un genre de névrose à la Kafka se développe. Il n’en dort plus. Il le raconte à son amoureuse, ou sa sœur bien aimée. Son seul souhait, ce n’est pas de convaincre, c’est _d’oublier_ d’avoir été le témoin. Il voudrait qu’on puisse supprimer ce souvenir de sa conscience—car il prend le poids de la révélation comme une Malédiction dans le monde d’aujourd’hui, avec ses « croyances primaires » à lui.

Chronique X

La femme, bien Veblen.
La première propriété fut une femme. On a ensuite construit la notion de propriété sur celle de femme.

Richard Rorty
In his utopia, people would never discuss restrictive metaphysical generalities such as "good", "moral", or "human nature", but would be allowed to communicate freely with each other on entirely subjective terms.
In his The Post Card: From Socrates to Freud and Beyond, especially, Derrida free-associates about theorizers instead of theories, thus preventing him from discussing metaphysics at all.
Derrida is, therefore, autonomous and self-creating, two properties which Rorty considers most valuable to a private ironist. While Derrida does not discuss philosophies per se, he responds, reacts, and is primarily concerned with philosophy. Because he is contained in this philosophical tradition, he is still a philosopher, even if he does not philosophize.

Gauchisme et pouvoir.
Le discours gauchiste, comme moyen d'accès au pouvoir, n'a évidemment pas été "appliqué". C'est un discours tenu pour abattre le pouvoir précédent, e.g conservateur. Les politiciens sont équivalents une fois au pouvoir. Mais pour l'atteindre, ce pouvoir, force est de reconnaître qu'ils ont déployé des discours différents.

Amoureux sur un banc.
Les couples où la fille s'assoit sur les genoux du garçon quand ils attendent le métro. Il reste un siège de libre, juste à côté, mais non, elle s'assoit sur ses jambes à lui. (Je suis touché.)

La jolie femme – sur Me.
Ce doit être très dur, pour une femme, de savoir qu'elle déclenche trop de désir chez les hommes. De savoir finalement que tous les hommes qu'elle fréquente ne souhaitent qu'une seule chose, sa chair. Les relations sociales sont toutes viciées, pour elle, dès le départ, car il y a du désir et du sexe partout. Elle ne peut pas se détacher du fait d'être désirée sexuellement, elle doit supporter ça, dans le regard des hommes. Lorsqu'elle déjeune avec l'un, elle doit supporter le fait de savoir qu'en-deçà de leur conversation, lui ne pense qu'à coucher.
Elle doit donc refroidir l'ambiance, faire comprendre que non, ça n'arrivera pas.
Et dans chacune de ses conversations, avec tous les hommes qu'elle fréquente, avec tous les hommes de tous les pays, elle doit refroidir le désir naturel de celui qui lui parle. Elle ne peut fréquenter personne innocemment, juste comme ça, pour jouir de l'instant présent, de la discussion.
Comme cela doit être pesant, à la longue.
Quand on le lui dit, elle fait semblant de ne pas le savoir, ou le voir. Doivent se créer des systèmes immunitaires, de protection, pour qu'elle n'ait pas à supporter d'être ainsi perçue comme de la viande par tous les hommes.
Elle s'oblige à oublier.

Les couples
Tristesse de la trentenaire ingrate à la terrasse d'un café que l'on entend rire à une blague d'un autre trentenaire en t shirt blanc. Dans son rire c'est le drame de ne pas être sûre de le choper ce soir que j'entends. Elle place ses mains devant la bouche, il ne faut pas trop l'ouvrir sinon on va la voir, sa libido à l'état de manque. Son malaise à vouloir séduire et cacher sa nature de femme timide et facilement impressionnée. Or elle ne cache rien. Et puis, elle le sait qu'elle ne peut rien cacher.  Mais ne jamais trop prendre pitié d'elles car ce sont les mêmes femmes atroces qui refuserait d'être avec un type pas à leur niveau. Elles refuseraient le coup d'un soir avec un mec aussi désespéré qu'elles.
Le paradoxe veut qu'un type laid qui aborde une femme splendide a ses chances, car elle sait qu'une relation ne dure pas, elle sait supporter le poids moral du one-night-stand. Si la relation ne prend pas, ils l'auront fait trois fois et puis tant pis. Elle est habituée, alors un de plus, un de moins.
Les couples avec un laid et une bombe viennent de là. La bombe tente son coup, car aucun coût marginal, puis elle s'y attache. Pour elle c'était, au départ, un type de plus, et donc elle peut élargir son horizon.
Une fille ingrate a un coût marginal beaucoup plus élevé. Elle ne tente rien, car le n+1 est trop important pour être considéré à la légère. Bref, ce n'est pas de la commodité. Une position de quasi monopole fait qu'on est moins averse au risque. Cela profite au électrons libres plus faibles, parfois.

Tocqueville est hanté par la question de la distinction.

Se rendre responsable
J'aime quand un personnage se rend responsable - malgré lui - d'un fardeau a priori trop lourd à porter.
Dans "Cowboys" le héros fait libérer une Afghane et doit la ramener en France, puis s'occuper d'elle, il va finir par se marier avec elle. Tout ça parce qu'il a voulu faire le type bien pendant une minute, et cette action a des répercussions sur, littéralement, toute sa vie. (Au début, un simple geste instinctif de vouloir sauver une fille qui va mourrir.)
Dans "Girls" aussi, je me souviens d'un épisode où un type se retrouve tout seul, perdu dans Brooklyn, avec un chien dont il faut retrouver le maître. Exemple plus ténu mais qui montre comment on peut se retrouver avec soudain un "sur-plein" de responsabilité.
Vollmann, l'écrivain, raconte comment il s'est retrouvé avec une esclave sur les bras car il a juste voulu libérer une prostituée en Thaïlande. Il est devenu son "maître" et a du s'occuper d'elle, lui trouver un collège etc. Tout ça, une responsabilité sur des années envers cette fille, car il ne supportait pas de voir une prostituée de 14 ans. (Décision d'une seconde, impact sur des années.)
Pour A et J c'est pareil. Il se retrouve à devoir s'occuper d'elle après l'avoir embrassé un soir, spontanément, avec l'alcool, sans aucun sentiment de responsabilité. Un fardeau, dont on n'a aucune idée de l'ampleur, qui arrive malgré soi.

Faber
J'aime ces expériences dans le milieu du travail car je suis intouchable, je ne peux pas me faire avoir, c'est a priori incompatible, chaque heure que j'y passe, c'est du temps de gagner sur la nécessité des choses, mon départ. Je ne fais tellement rien que je ne peux même pas socialiser convenablement. Je ne saurais même pas dire ce sur quoi je travaille. Très gênant. Parfois, ils me demandent si je suis disponible pour une demi-journée comme s'ils me dérangeaient. Le grand délire.

Quand est-ce qu'on réalise appartenir à l'élite ?

Teens and social media
One example of awkward plays on Instagram: the “deep like.” This is where you lurk on someone’s account, going way back into the archives, and accidentally double-tap on an old picture. Showing too much interest in anyone is mortifying.
The appropriate comment for male friends to leave? “No hearts, no kiss faces, no wink faces, just the gas tank.” The gas tank emoji means “gang”—it indicates fealty, like #squad. “Gang-gang, it’s like your group. Not like ‘a gang.’ It’s not that serious.”
Teens, in short, are what we’ve always known them to be. They get crushes, try to study, fight with friends, fight with their parents, get grounded, and sometimes make poor choices as they try to find their place in the world. They love their parents while scaring the living daylights out of them.

 Messing around in the corners of the internet.

Your curated self.

Aiming for the obvious
You know you have a good design when you show it to people and they say, “oh, yeah, of course,” like the solution was obvious.

La différence entre JJ et moi (et nous, hipsters-cultivés-branchés) c'est que je travaille mes goûts, je ne pense qu'à ça. L'idée d'écouter la même émission de radio, ou d'avoir les mêmes goûts musicaux, six mois plus tard m'est pénible. Lui, il s'en fiche.

Edouard Louis
À l'entendre, seuls les exclus peuvent écrire ou "ont une subjectivité" intéressante : une femme noire, un immigré aux USA, un enfant gay du prolétariat, etc. Ainsi, dit-il, le discours de "l'homme blanc hétérosexuel" doit être combattu, et Houellebecq est le représentant de cette catégorie-ci. Certains livres servent à faire taire. La culture fonctionne alors comme une force d'exclusion.
Edouard Louis dit : "Bourdieu, Duras, Morrison, ont réussi à produire un monde dans lequel être de droite, c'est illégitime
C'est en fait la violence du dominant qui frappe quand un dominé donne un coup, parce qu'elle le traverse. Chez Toni Morisson, un personnage d'esclave tue sa propre fille pour qu'elle échappe à l'esclavage. Mais ce n'est pas sa violence à elle, l'esclave, mais la violence de l'esclavage, des dominants, qui la traverse et la pousse à tuer sa fille.

En province
Faire un tour vers Alès. Déjà, à la gare, en centre-ville, on se dit que c'est dur. Mais alors, en prenant le bus, en faisant trente minutes jusqu'au village isolé, je déprime à l'idée que toutes ces maisons, séparées d'Alès de plusieurs kilomètres, abritent des jeunes gens qui n'ont aucune chance. Ou si peu. En province il n'y a aucune chance que se produise des accidents sociaux. Et si l'accident arrive, alors il est tellement exceptionnel que le transfuge ne s'en remettra jamais (ni ses enfants, donc).

La nostalgie
Je vis quelques semaines ou mois dans la vraie vie. Comme tout le monde, mille choses ne cessent pas de me frustrer.  Puis je m'enferme et reviens dans le temps passé/perdu. Il y a un ratio du temps passé à se souvenir (pour comprendre, pour créer) plutôt qu'à vivre. J'ai besoin de deux mois pour rendre chaque instant vécu comme magnifique.

Élias et Proust
La Cour française est un endroit où l'homme est observé et décrit en relation aux autres, dans sa situation sociale. Lien entre les portraits de Saint Simon et Proust : c'est la description française de l'homme par rapport aux autres. Les traits essentiels d'un homme apparaissent lorsqu'il est en contact avec autrui.
Bref, expliquer l'homme par son réseau de relations.

Houellebecq sur le joli
Le joli, au contraire, tire le spectateur hors de l'état de contemplation pure qui est nécessaire à la conception du beau, en lui présentant des objets immédiate­ment agréables. Des objets excitant sa volonté. Le joli nous transforme en sujet asservi, nécessiteux du vouloir. Le concept de joli, qui s'applique ordinairement à tout ce qui est beau d'une manière riante, a été, faute d'une distinction claire, exagérément étendu, et j'estime qu'il faut le laisser de côté. (En rapport à une discussion sur l'esthétique chez Schopenhauer)

Seul l'écriture de soi m'intéresse. Tout le reste, de Joyce à Foster Wallace, les lire pour observer la composition de leurs romans. Mais quel ennui !

Le travail d'un résistant, c'est de faire comprendre à la population qu'elle est en guerre. Régis Debray

À partir de 19h, je ne vois plus que des femmes. François Truffaut

dimanche 13 mars 2016

Juger - Lagasnerie

Juger, Lagasnerie, 2016

L’expérience première de mon rapport à l’État et à la Loi est celle d’une imposition, d’une obligation : je nais dans un État et je suis contraint d’en être le sujet. Je ne peux pas me défaire de cette appartenance ni en sortir. Je suis soumis à l’ordre du droit.

Suivre Nietzsche, c’est saisir que, contrairement à la thèse de Derrida, et donc aussi à celle de Weber ou d’Arendt, on ne peut comprendre ce que l’État fait qu’à condition de rompre avec la dissimulation par l’État de lui-même, ce qui suppose d’affirmer l’idée d’une équivalence, ou, mieux, d’une identité, entre les actions de l’État et les actions privées.

C’est Nietzsche qui a ouvert cette voie dans La Généalogie de la morale : le droit s’inscrit dans un processus de domestication de l’homme qui le crée comme être identique à lui-même, doté d’une volonté qui l’engage à travers le temps – c’est-à-dire comme être responsable. Le droit trouve sa source dans la logique économique de la dette, de la parole donnée, de la promesse.

En d’autres termes, il n’est pas valable de dire que l’État nous lie à nous-mêmes, puisque, précisément, il pose aussi la possibilité de nous délier de ce que nous avons fait. Le droit crée aussi bien des sujets responsables que des sujets irresponsables.

On pourrait fort bien imaginer une responsabilité « virtuellement illimitée », qui s’appliquerait à tous les membres de la société pour tout ce qui s’y passe.

La psychologisation du crime et la négation de la vision sociologique du monde sont une seule et même chose. Le savoir psychiatrique désocialise. Il convertit les forces sociales en pulsions internes au sujet et dénie l’action des mécanismes structurels (il n’y a pas de dépossession, il y a du manque.)

Tout ce qui est externe devient interne. Le crime n’est plus la traduction d’un rapport au monde, mais l’extériorisation d’un rapport de soi à soi.

Foucault montre que la loi n’est pas plus un état de paix que le résultat d’une guerre gagnée : elle est la guerre elle-même, et la stratégie de cette guerre en acte, exactement comme le pouvoir n’est pas une propriété acquise de la classe dominante mais un exercice actuel de sa stratégie.

Il prend l’exemple du vol : il faut punir le vol au-delà du dommage infligé au volé. Se contenter de compenser la victime ne suffira jamais. Pourquoi ? Parce que c’est la société dans son ensemble qui doit faire expier le criminel, puisque celui-ci aurait, par son forfait, rendu incertaines les structures juridiques qui soutiennent l’ordre social et politique.

La pénalité traduit une sorte d’étatisation de nos vies : tout se passe comme si ce qui nous arrivait arrivait en même temps à l’État, en sorte que l’État se sent en droit d’y réagir pour son propre compte et comme si c’était lui, en fait, la victime principale.

Le sociologue Nils Christie n’a pas tort de dire que, à travers la logique pénale, l’État nous vole. Ou, mieux, il vole les individus de leurs conflits.

Il rend impossible le déploiement d’autres logiques, comme celles du pardon, de la réparation, de l’entente, qui laisseraient aux acteurs la possibilité de négocier eux-mêmes la sortie du conflit.

vendredi 29 janvier 2016

Qu'est-ce que la philosophie ? - Deleuze


Tendu entre un sujet et un objet, ni une révolution de l’un autour de l’autre. Penser se fait plutôt dans le rapport du territoire.

L’éthologue dit que le partenaire ou l’ami d’un animal « vaut un chez-soi », ou que la famille est un « territoire mobile ».

Comme le montrait Kant, le concept de révolution n’est pas dans la manière dont celle-ci peut être menée dans un champ social nécessairement relatif, mais dans « l’enthousiasme » avec lequel elle est pensée sur un plan d’immanence absolu, comme une présentation de l’infini dans l’ici-maintenant.

Quant à l’Allemagne, elle ne cessera pas de son côté de réfléchir sur la révolution française, comme ce qu’elle ne peut pas faire (elle manque de villes suffisamment déterritorialisées, elle souffre du poids d’un arrière-pays, le Land).

L’actuel n’est pas ce que nous sommes, mais plutôt ce que nous devenons, ce que nous sommes en train de devenir, c’est-à-dire l’Autre, notre devenir-autre. Le présent, au contraire, c’est ce que nous sommes et, par là même, ce que nous cessons déjà d’être.

On n’écrit pas avec des souvenirs d’enfance, mais par blocs d’enfance qui sont des devenirs-enfant du présent.

Il s’agit toujours de libérer la vie là où elle est prisonnière, ou de le tenter dans un combat incertain.

Nous perdons sans cesse nos idées. C’est pourquoi nous voulons tant nous accrocher à des opinions arrêtées.

Ni l’écrivain n’écrit sur une page blanche, mais la page ou la toile sont déjà tellement couvertes de clichés préexistants, préétablis, qu’il faut d’abord effacer, nettoyer, laminer, même déchiqueter pour faire passer un courant d’air issu du chaos qui nous apporte la vision.

jeudi 7 janvier 2016

Chronique IX

L’éducation reçue par ma sœur Eva me montre à rebours à quel point mes parents manquèrent de croire en moi. Ni ne déposèrent en nous de grands espoirs de réussite. L’absence de grandeur, à tous les âges, nous rend aujourd’hui plus creux que d’autres enfants élevés par des parents qui y crurent. Des parents qui pensaient pouvoir infléchir **en bien** sur le destin de leurs enfants. Ce n’est pas de la modestie de la part du père et de la mère. C’est de la petitesse. Une pensée comme _comment pourrais-je l’aider aujourd’hui à devenir quelqu’un d’important ? qui suis-je pour ça ?_ trotte dans leur tête.

Viser l’ivresse de _Magnolia_ pour un roman. Un sentiment de roulement qui ne semble pas pouvoir s’arrêter, un lyrisme aussi.

Il y a une passion pour l’inauthentique dans le monde de 2015. Post-Heideggerien. Les femmes disent que l’image de la beauté n’est pas la vraie. Les scholars disent que les notifications nous détournent du bonheur réel.

On demand usability testing. Disrupter le marché de la segmentation de l’audience. Commencer par du Uber pour les tests utilisateurs. On amène un segment précis de population par lot, pour venir tester chez vous votre produit. Feedback utilisateur de bonne qualité, assuré. Re-travailler efficacement votre produit en une heure. Et payer pour ça. À terme, être un spécialiste des audiences, avoir une audience de bonne qualité venant tester un produit (tech, culturel, culinaire) et donner une opinion. Réserver une flotte de users motivés et super segmentée. Uber du cobaye. Que des attributs, pas de compétences. À terme : les figurants, les cobayes en médecine, les échantillon-test d’audience pour les pilotes de séries télés.

Faire un mix entre _Amérique_ de Baudrillard et _Passions and interests_ de Hirschmann. Un petit essai à la fois autobiographique et historique. Et qui prenne le prétexte d'un voyage, d'un déplacement, pour théoriser. En plus d'une ouverture à la Foucault. Faire un livre sur l'Europe comme Roth traite les USA. Une dimension familiale comme chez Annie Ernaux. Penser un essai et un roman de façon parallèle.
_Après la finitude_. Clarté dès les premières pages sur ce qui arrive. Synthèse claire en fin de chapitre. _La dernière leçon de Foucault_. Un argument par chapitre. Quelques citations très simples à l'appui. _Mythe de Sisyphe_. Simplicité des thèses avancées puis quelque exemples littéraires.

Voir à la télé les chanteurs des années 70, comme Eddy Mitchel. Habillés tout en blanc, chantant sur du play-back. On se dit qu’il n’y a décidément rien à envier aux époques passées, que la (si décriée) vulgarité d’aujourd’hui n’a pas à rougir de celle d’hier.

Daniel Cohen, professeur de supérette, se plaint chez F. Taddéi du monde qui arrive si le modèle d’Uber se généralise. Il glisse, dans sa description, qu’_évidemment il n’y a pas de protection sociale_ dans un monde où la sous-traitance se généralise. L’absence de salariat signifierait donc que toute protection, mutuelle, assurance, disparaissent ? Etrange de voir aujourd’hui ceux-là que j’ai quittés, les charlatans économistes, s’intéresser à ce que j’ai rejoint, la tech. Confirmation aussi de leur profonde paresse intellectuelle.

La notion de **creative non fiction**.

Dans une boite de nuit, les garçons portent encore des chemises. Il y a des personnes de trente ans et plus. C’est étrange de les voir là.

Le comble de l’égotisme : être attiré par une femme qu’on attire. Se dire : si elle trouve en moi de quoi l’émoustiller, alors elle est forcément une  personne passionnante.

Faire un livre où tout n’est que commentaire, n’est que méta critique d’une fiction qui se fait attendre, qui n’est pas là.

Ecrire pour débusquer les antinomies premières de l’homme moderne. Les points cardinaux où nos ressorts moraux n’aident plus. Faire sortir ses personnages d’une zone où les décisions sont mêmes possibles. Bloquer les personnages dans des configurations sociales ne leur laissant aucun choix possible, la seule résignation. Même la fuite, l’étape juste précédente si l’on veut, ne devrait plus être permise aux personnages. Pour qu’il ne terminent plus qu’à supporter, résignés, une force sociale qui les dépasse (qui peut, par chance, régler les problèmes, ou les conduire au pire).

Une histoire du _living room_ en Occident : la condition féminine, le travail salarié, l’éducation… mais aussi la tech, la télé, l’internet, le mobile. Tout est concerné.

Regarder un clip de rap de PNL. Y voir une bande d’écervelés chanter devant une caméra, gesticuler comme un groupe de gorilles. Et dans ce groupe, des enfants, une petite fille de 10 ans sur les épaules d’un gros costaud. Qui est-elle, où va t-elle ? Je veux la connaître cette petite fille qui, à 10 ans, se retrouve dans un tel clip. Comment vit-elle ?
Dans un autre clip, le chanteur / rappeur se trémousse seul sur une plage de Bretagne, et fait quelques pas de danse en rythme avec le gros son. Un peu ridicule, seul sur une immense plage. Il répète « j’suis choqué » plusieurs fois de suite.

Les photos Facebook qui représentent le bonheur parfait : je suis une jeune femme au corps parfait, en maillot de bain dans ma piscine donnant sur la plage de la cote Ouest. La seule raison pour laquelle ils ne sont pas parfaitement heureux, c’est qu’ils doivent encore poster ça sur Facebook. Un détail, presque rien. Mais le fait de prendre du temps pour jouer avec ses sentiments (se sentir plus fier encore après avoir posté) n’est sûrement pas l’image du bonheur auquel on aspire.

L’écriture comme distorsion du temps. Le passé est détruit, le présent n’est plus (car on l’écrit), le futur est anticipé, remodelé.

Paul Graham:
In the mid 20th century it was an alien concept. Not because starting one’s own company seemed too ambitious, but because it didn’t seem ambitious enough. Even as late as the 1970s, when I grew up, the ambitious plan was to get lots of education at prestigious institutions, and then join some other prestigious institution and work one’s way up the hierarchy. Your prestige was the prestige of the institution you belonged to.

Nozick:
The people who have more accurate views of what other people think of them are less happy, less successful in life, cope less well with various things, than the people who have rosier views of what people think of them than is actually the case.

Sapiens - Noah Harari

Pour une bande de 50 individus, il y a 1 225 relations de personne à personne et d’innombrables combinaisons sociales plus complexes.

Somme toute, la fiction peut dangereusement égarer ou distraire. Les gens qui vont dans la forêt en quête de fées ou de licornes sembleraient avoir moins de chance de survie que ceux qui cherchent des champignons ou des cerfs.

Le secret réside probablement dans l’apparition de la fiction. De grands nombres d’inconnus peuvent coopérer avec succès en croyant à des mythes communs.

Si vous essayiez de réunir des milliers de chimpanzés à Tian’anmen, à Wall Street, au Vatican ou au siège des Nations unies, il en résulterait un charivari. En revanche, les Sapiens se réunissent régulièrement par milliers dans des lieux de ce genre. Ensemble, ils créent des structures ordonnées – réseaux commerciaux, célébrations de masse et institutions politiques – qu’ils n’auraient jamais pu créer isolément. Entre nous et les chimpanzés, la vraie différence réside dans la colle mythique qui lie de grands nombres d’individus, de familles et de groupes. Cette colle a fait de nous les maîtres de la création.

Le consumérisme romantique mêle deux idéologies modernes dominantes : le romantisme et le consumérisme. Le romantisme nous dit que, pour tirer le meilleur parti de notre potentiel humain, il nous faut multiplier autant que possible les expériences. Nous devons nous ouvrir à un large spectre d’émotions.

Il est significatif que le premier nom attesté de l’histoire appartienne à un comptable, plutôt qu’à un prophète, un poète ou un conquérant.

Le degrée zéro de l'écriture - Barthes

Par exemple, le mot « impliquer », fréquent dans l’écriture marxiste, n’y a pas le sens neutre du dictionnaire ; il fait toujours allusion à un procès historique précis.

La Littérature est comme le phosphore : elle brille le plus au moment où elle tente de mourir.

Vers 1850, il commence à se poser à la Littérature un problème de justification : l’écriture va se chercher des alibis ; et précisément parce qu’une ombre de doute commence à se lever sur son usage, toute une classe d’écrivains soucieux d’assumer à fond la responsabilité de la tradition va substituer à la valeur-usage de l’écriture, une valeur-travail. L’écriture sera sauvée non pas en vertu de sa destination, mais grâce au travail qu’elle aura coûté. Alors commence à s’élaborer une imagerie de l’écrivain-artisan qui s’enferme dans un lieu légendaire, comme un ouvrier en chambre.

Peut-être y a-t-il dans cette sage écriture des révolutionnaires, le sentiment d’une impuissance à créer dès maintenant une écriture.

Cette parole transparente, inaugurée par L’Étranger de Camus, accomplit un style de l’absence qui est presque une absence idéale du style.

Mais il faut convenir que de tous les moyens de description (puisque jusqu’à présent la Littérature s’est surtout voulue cela).

On trouve ici les trois degrés de la comparaison : plus, autant, moins ; mais comme la maxime sert surtout un projet de dénonciation, ce sont évidemment les comparatifs critiques qui l’emportent.

Tristement libéré de toute obligation envers un vœu qu’il est décidément incapable d’accomplir, il accepte de rentrer dans la frivolité du monde et de se rendre à une matinée de la duchesse de Guermantes.

Le Temps, qui lui a rendu l’écriture, risque au même moment de la lui retirer : vivra-t-il assez pour écrire son œuvre ? Oui, s’il consent à se retirer du monde, à perdre sa vie mondaine pour sauver sa vie d’écrivain.

Proust s’enferme parce qu’il a beaucoup à dire et qu’il est pressé par la mort, Flaubert parce qu’il a infiniment à corriger ; l’un et l’autre enfermés, Proust ajoute sans fin (ses fameuses « paperolles »), Flaubert retire, rature, revient sans cesse à zéro, recommence.

Ecrire c’est vivre (« Un livre a toujours été pour moi, dit Flaubert, une manière spéciale de vivre36 »), l’écriture est la fin même de l’œuvre, non sa publication.

La phrase est un objet, en elle une finitude fascine, analogue à celle qui règle la maturation métrique du vers, mais en même temps, par le mécanisme même de l’expansion, toute phrase est insaturable, on ne dispose d’aucune raison structurelle de l’arrêter ici plutôt que là.

Parce que la phrase est libre, l’écrivain est condamné non à chercher la meilleure phrase, mais à assumer toute phrase : aucun dieu, fût-ce celui de l’art, ne peut la fonder à sa place.

Un coup de dés est explicitement fondé sur l’infinie possibilité de l’expansion phrastique, dont la liberté, si lourde à Flaubert, devient pour Mallarmé le sens même – vide – du livre à venir.