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mercredi 23 juin 2010

Fluctuations monétaires étatiques

Lorsque l’état prétend enrichir ses citoyens en affaiblissant sa monnaie pour "renforcer les exportations", il commet une erreur de raisonnement classiquement connue sous le nom d’erreur "mercantiliste".
Il y a des centaines de raisons qui poussent chaque jour des millions d’individus à vouloir vendre une devise pour en acheter un autre. Chaque mouvement modifie l’équilibre de l’offre et de la demande des monnaies. Il résulte de tous ces mouvements un prix, un prix de marché, pour chaque monnaie par rapport aux autres.
Les marchés étant imparfaits, le "prix de marché" de l’Euro/dollar ne peut
être considéré comme "le juste prix" à un instant donné. En effet, tous les acteurs de marché ne disposent pas de la même information au même moment, et tous ne donnent pas la même valeur à la même information. Ces asymétries de l’information expliquent qu’il puisse y avoir des variations de court terme assez fortes des monnaies les unes par rapport aux autres, alors qu’en une semaine ou un mois, les fondamentaux économiques relatifs de deux zones économiques ne changent guère.
Mais du fait que l’état n’est pas plus capable que n’importe quel analyste financier de modéliser les millions d’informations agrégeant la totalité des transactions, il ne pourra pas déterminer un "meilleur" prix de la monnaie que celui formé par un marché libre.
Cela parait totalement contre intuitif, mais exporter ne nous enrichit pas directement. Exporter, c’est exporter le fruit de notre travail pour en faire profiter d’autres, c’est donc un appauvrissement. Mais c’est le prix à payer pour pouvoir nous permettre de nous enrichir en important à notre tour ce que le travail des autres produit de meilleur. La présence d’une frontière n’est d’ailleurs pas nécessaire pour rendre valide ce raisonnement : les échanges entre Nantes et Rennes obéissent exactement à la même logique.

Une fois cette considération comprise, considérez la réponse à la question suivante : serons nous mieux portants et matériellement plus riches si nous exportons grâce à notre productivité élevée, où grâce à notre monnaie faible ?
Posée ainsi, la réponse à cette question est évidente : il vaut mieux que notre pouvoir d’exporter vienne de ce que nous soyons productifs et bien portants avec une monnaie forte qui nous donne un pouvoir d’achat vis à vis de l’extérieur (importation de biens, ou tourisme, ou achats d’actifs étrangers) élevé.
A l’inverse, lorsque l’on regarde la politique chinoise d’arrimage du Yuan RMB au dollar, qui tend donc à maintenir artificiellement bas le cours du RMB, on ne peut que constater qu’elle a privé les salariés chinois d’une partie des fruits de leurs efforts pour offrir une offre compétitive en empêchant que les yuans qu’ils touchent pour leur effort ne s’apprécient et ne leurs permettent d’importer plus.
Si les possesseurs d’entreprises exportatrices y trouvent leur compte - Le nombre de millionnaires chinois explose -, la petite main chinoise reste d’une certaine façon enchaînée à une monnaie faible qui l’empêche de bénéficier de la juste part de son effort : une politique volontariste de monnaie faible favorise donc une confiscation des bénéfices tirés de l’échange au profit du marchand et au détriment de ses employés, d’où l’adjectif "mercantiliste" qui y est rattachée. L’affaiblissement de la monnaie par l’état n’est que la perpétuation d’une forme "soft" de l’esclavage...

François Fillon a tort d’affirmer que la baisse de l’Euro est une bonne nouvelle. Elle n’est que la traduction d’une prise de conscience d’une perte de compétitivité de la zone euro et de ses actifs par rapport à ceux d’autres zones monétaires. La baisse de la monnaie, si elle constitue un ajustement indispensable à cette nouvelle donne, n’est pas une bonne nouvelle, mais le symptôme d’une faiblesse désormais clairement identifiée.
Il n’y a pas de juste prix d’une monnaie. Le meilleur prix serait celui qui résulterait des besoins réciproques d’échanges privés entre deux zones monétaires, et de la capacité des producteurs de chaque zone à satisfaire ces besoins d’échange dans les meilleurs rapports qualité prix possibles. Lorsque les états tentent de distordre ce prix résultant des échanges libres, ils ne font qu’introduire des effets d’aubaine pour certains groupes au détriment d’autres, et empêchent les économies de s’adapter de la meilleure façon aux variations relatives de productivité qu’une libre fluctuation des monnaies les unes par rapport aux autres révèlerait.