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samedi 3 avril 2010

Villey et l'évolution des droits subjectifs

Villey n'était pas collectiviste, mais conservateur (aristotélo-thomiste). Ce qu'il reproche aux tenants modernistes du droit (naturel, mais pas seulement), c'est le renversement suivant : le droit n'est plus objectif, mais soumis aux caprices subjectivistes, de sorte qu'il ne reflète plus l'ordre du monde, mais doit obéir aux ordres du souverain (surtout lorsqu'il se prévaut de la démocratie). C'est parce que le droit prescrit un devoir-être indépendant de la volonté humaine qu'il se méfiait de l'individualisme comme fin en soi - signe d'une modernité frelatée. D'où son holisme, qui n'a donc rien de collectiviste.
Philosophiquement parlant, délier le concept de toute référence à la réalité du monde est porteur de lourdes menaces, que ce soit pour faire primer l'idéel sur le concret (platonisme) ou l'expérimental sur le conceptuel (nominalisme). Ce n'est pas un hasard si la doctrine réaliste (aristotélo-thomiste) développe, a contrario, une théorie de la prudence, dans laquelle nous pouvons retrouver une parenté avec la juste modestie du programme libéral.

En effet, Michel Villey daterait de Kant l'abandon du Droit naturel classique au profit des droits naturels. Fatale erreur philosophico-juridique qui aurait permis l'invasion totalitaire du droit positif dans l'ordre juridique contemporain.
Tu as tout à fait raison, la généalogie du subjectivisme juridique est des plus anciennes et on peut certainement la faire remonter à la Grèce antique en pasant par le nominalisme d'Ockham. Et il est éclairant de comparer les droits romain et grec antiques. Le premier - réaliste et consuétudinaire - fut capable de régler, pendant un millénaire, les rapports entre les membres d'une société en constante évolution depuis le village originaire jusqu'à un empire mondial. Le second - idéaliste et législateur - a été incapable d'apporter la moindre paix à aucune cité grecque. Ce n'est pas pour rien que - même s'ils reconnaissaient leur suprématie dans le domaine des arts, des sciences et de la philosophie - les Romains méprisaient les Grecs comme juristes. Donc, je partais d'Hobbes car c'est à partir de lui que commencera la réflexion et le mouvement libéral tels que nous les connaissons.